Planter des arbres immortels

Comme le scorpion, mon frère,
Tu es comme le scorpion (…)

Et s’il y a tant de misère sur Terre
C’est grâce à toi, mon frère,
Si nous sommes affamés, épuisés,
Si nous sommes écorchés jusqu’au sang,
Pressés comme la grappe pour donner notre vin (…)

Comme le scorpion, mon frère,
Tu es comme le scorpion

Le scorpion, celui de la fable, il plante son dard dans la Terre qui le porte et l’empoisonne. Les montagnes perdent la hauteur apprise sur les anciennes cartes scolaires Vidal Lablache mais les océans montent. Les abeilles se meurent mais elles ne sont pas les seules.

Pourtant, je me permettrai de contredire le poète… parce qu’ils sont des milliers, citoyen·nes, militant·es associatifs et syndicaux à se mobiliser pour tenter de pallier aux carences de L’État pour héberger, nourrir, accueillir toutes celles et ceux qui fuient guerre et misère ; parce qu’ils sont des millions, aujourd’hui en Algérie, au Soudan, à prendre la rue pour en finir avec des pouvoirs qui écrasent ; parce qu’ils sont des milliards, travailleuses et travailleurs, qui depuis le premier 1er mai luttent pour la paix et la solidarité, les droits humains et les droits sociaux.

Tu n’es pas des millions
Tu es cinq

Une poignée qui concentre les richesses, 1% qui se partage près de 50% de la richesse mondiale.

Tu es un

À ignorer les paroles des ronds-points, des cités, des bureaux, des usines, des amphis. À ne répondre à rien ni sur les salaires, ni sur les retraites, ni sur les minima sociaux, ni sur les services publics, ni sur l’ISF, ni sur la justice fiscale, ni sur les inégalités, ni sur le RIC, pas même sur le vote blanc.

Du grand déballage, il n’y a que cette phrase à retenir. Le président se demandait jeudi dernier : « Est-ce qu’on a fait fausse route ? » Et aussitôt de répondre : « Je ne le crois pas »

Il nous propose à son tour de la poudre de perlimpinpin. Comme il l’avait fait en décembre en se vantant d’une augmentation de 1 000 euros du SMIC, voilà qu’il prétend décider de la réindexation des petites retraites alors qu’il s’agit d’une décision du Conseil Constitutionnel. Il annonce renoncer à sa promesse électorale de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires EN MÊME TEMPS la loi Dussopt prévoit de faire du contrat la voie principale de recrutement de la Fonction publique.

Au macronscope, on observe une société où chacun est le seul responsable de sa misère parce qu’il n’a pas la volonté de traverser la rue ; où l’étudiant doit se responsabiliser en empruntant pour financer ses études supérieures (comme en Angleterre, on a commencé par l’augmentation des frais d’inscription des étrangers), où la Fonction publique est en voie d’extinction pour transformer les services publics en services AU public, marchandiser enfin l’Éducation, encore plus la Santé, toujours plus les Transports ; où la retraite n’est plus une question de solidarité et surtout pas garantie ; où la liberté de manifester, la liberté d’expression, la liberté de la presse, la liberté de revendiquer doivent se plier à la sécurité de l’État.

De cette société là, on n’en veut pas. Et nous serons nombreux en mai à nous mobiliser encore pour défendre les services publics et les Fonctions publiques, l’Éducation. Nous ne serons pas un, nous ne serons pas cinq, nous serons des millions.

Je terminerai comme j’ai débuté, avec le poète turc Nâzim Hikmet :

Offrons le globe aux enfants, au moins pour une journée.
Donnons-le leur afin qu’ils en jouent comme d’un ballon multicolore
Pour qu’ils jouent en chantant parmi les étoiles.
Offrons le globe aux enfants,
Donnons-le leur comme une énorme pomme
Comme une boule de pain toute chaude,
Qu’une journée au moins ils puissent manger à leur faim.
Offrons le globe aux enfants,
Qu’une journée au moins le globe apprenne la camaraderie.

Les enfants prendront de nos mains le globe,
Ils y planteront des arbres immortels.

Erick LERMUSIAUX