Le non syndical au projet de traité constitutionnel européen a principalement été fondé sur le fait que le dogmatisme économique de l’argent roi allait nourrir un nouvel ordre social où les riches seraient de plus en plus riches et les exclus de plus en plus pauvres.

En France, les fonctionnaires et retraités des services publics ont dit majoritairement non, non pas à l’Europe mais à ses logiques de profits. Aujourd’hui, dans notre manifestation Fonction publique, ce que notre plateforme unitaire ne dit pas – parce que tous ici, au nom d’une unité fragile, nous ne pouvons pas le dire ensemble – c’est que le sort réservé à la Fonction Publique, aux services publics et aux fonctionnaires est très directement un héritage de l’Europe du tri sélectif social que la France a rejeté dans sa majorité. Quand la classe politique n’est plus qu’un relais du patronat, la fonction publique est appelée à rejoindre les salariés d’Alsthom et d’Airbus, de Moulinex, de Chantelle et bien d’autres dans les poubelles de la concurrence libre et non faussée. Fonctionnaires, vous n’êtes que des erreurs, des boulets pour le MEDEF et pour les penseurs politiques modernes aux idées monétaires qui sonnent autant qu’elles trébuchent.

À l’heure où le credo est au moins d’impôts, où les charges salariales destinées à garantir le chômage, les retraites et la sécu sont à jeter à l’encan, la solidarité sociale est un vilain défaut. Les fonctionnaires, parce qu’ils sont une survivance de principes solidaires datés et connotés du front populaire et du conseil national de la résistance, sont une incongruité qu’il faut recycler dans les valeurs de l’entreprise. Quand un homme politique réussit à faire croire, en flattant ce qu’il y a de plus con dans le cerveau humain, que le fonctionnaire est un inutile alors qu’au contraire, il ne se justifie que par des missions sociales de solidarité, on atteint une phase coupable de la pensée politicienne. L’histoire nous a enseigné que lorsque les couches moyennes se coupent des plus pauvres et des plus exploités, lorsque les services publics ne remplissent pas ou plus leurs rôles de solidarité, s’enclenche alors un processus de destruction sociale. La crise économique de 1929, la manière dont elle a fait le lit des plus sinistres barbaries humaines ne semble pas nous servir de leçon. Certes, ce ne sont pas les services publics qui sauveront la planète. Mais, fondés sur une part de redistribution des richesses, les services publics sont des indicateurs de qualité de vie sociale. Allez demander aux sept millions de pauvres de France, aux dizaines de millions de pauvres d’Europe, aux milliards de laissés pour solde de tous comptes d’Afrique, d’Orient, d’Amérique latine si la vie vaut pour eux la peine d’être vécue ? L’Homme, par son manque d’humanité, fabrique aujourd’hui ses propres bombes humaines.

Les rares, parmi vous, qui écoutent les discours doivent se demander : mais qu’est-ce qu’il vient nous chanter là, le corpo de la FSU ! Aujourd’hui, on est en grève et manifestations pour l’emploi public, pour les salaires et n’oublions pas les pensions, car on fabrique une catégorie de nouveaux pauvres avec les retraites à la baisse. Alors pourquoi le corpo de la FSU, il vient nous parler cosmique et faire de la politique, au lieu de nous parler de carrières, de revalorisation des grilles de salaires ? Pourquoi ? Mais parce que les services publics, les fonctions publiques, sont au chœur d’une tourmente mondiale pour la maîtrise de l’énergie, de l’eau, de la santé, de la production alimentaire et j’en passe. Parce que le syndicalisme français constitue encore et toujours un pôle de résistance particulier malgré ses divisions et sa faiblesse numérique. Parce qu’il convient de mettre la lutte des fonctionnaires en perspective avec celle des autres salariés. Parce que nous sommes en période électorale et que le syndicaliste ne serait qu’un blaireau à ne pas vouloir faire sens et cohérence dans une France qui se droitise et se replie sur ses individualismes et corporatismes.
Enfin, il est un peu plus exaltant pour un orateur de tenter de traiter de l’essentiel que de se complaire dans la courte vue catégorielle, pour ne pas se satisfaire d’avoir à tirer à la courte paille dans la main d’un employeur – qu’il soit du public ou du privé – un accord de circonstance au prétexte que dans la main de l’employeur, il y a une poignée de grains à moudre.

Ne pas plier : les roseaux sont des cons !

Didier HUDE