Nous vivons aujourd’hui sous le joug d’une politique économique de prédation. La finance a posé des barbelés sur le monde. Demain et après-demain, les 1er et 2 mars, le sommet européen adoptera formellement un traité de stabilité européen qui n’est jamais passé devant le parlement européen. Ce traité vise à constitutionnaliser le dogme de l’austérité au nom de la règle d’or, partout en Europe.

Toutes les caisses de protection sociale, les collectivités locales, vont être soumises au principe du déficit public ne dépassant pas 0,5% des richesses produites par le pays. Tout État qui ne respectera pas cette règle sera placé sous tutelle dans le cadre d’un programme de partenariat économique et budgétaire obligatoire, comme actuellement en Grèce. Sur demande d’un ou plusieurs États membres, la Cour de Justice Européenne, sanctionnera tout Etat déficitaire et pourra le condamner à une amende indexée sur son PIB.

Alors que plusieurs indicateurs sont au rouge dans la finance et que se profile une nouvelle crise financière susceptible de provoquer un krach énorme dans les mois qui viennent, les chefs d’État européens veulent faire payer à leurs peuples l’entièreté de la dette créée par les patrons de la spéculation financière. En France, pour s’inscrire dans le scénario, l’assemblée nationale a voté en procédure d’urgence le traité instituant le Mécanisme Européen de Stabilité. L’hypocrisie de l’abstention décidée par le parti socialiste n’est pas un bon signal en cas d’alternance.
Mais la France a aussi adopté la modification de l’article 136 du fonctionnement de l’Union Européenne issue du traité de Lisbonne. De quoi s’agit-il ? Les ordo-libéraux, tenants d’un ordre social basé sur la concurrence libre et non faussée, sont tout simplement en train d’organiser l’effondrement de la démocratie et de sonner la fin de la souveraineté populaire. Nos dirigeants espèrent ainsi définitivement soumettre les peuples à l’oligarchie financière.

Sous l’inspiration de Merkozy, nous sommes face à un véritable coup d’État que seuls les initiés décodent. Si ce texte est voté, il faudra, à partir du 1er mars 2013 se soumettre aux diktats austéritaires du TSCG pour avoir un droit d’accès au fond de stabilité du MES. Doté de la personnalité juridique, le MES n’aura aucun compte à rendre aux citoyens des peuples, aux parlements nationaux, ni même au Parlement européen. Seule la Cour de justice de l’Union européenne sera juridiquement au-dessus de lui.

Pour sauver le système capitaliste, la « Troïka » (FMI, BCE, Union européenne) est prête à tout. Le mécanisme de prêts du MES aux États rencontrant des difficultés financières, en incapacité d’emprunter sur les marchés financiers, se fera « sous une stricte conditionnalité » de privatisations, réductions des salaires, démantèlement des services publics, entre autre. Cette conditionnalité sera définie par la Commission européenne, « en liaison avec BCE et, lorsque cela est possible, conjointement avec le Fonds monétaire international (FMI) ». C’est dit textuellement.

Pour la première fois de son histoire, la Confédération européenne des syndicats a clairement pris position contre le projet de traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. Elle appelle à une journée d’action européenne ce jour, à la veille du Conseil Européen. En solidarité avec le peuple grec aujourd’hui, avec tous les autres peuples qui vont bientôt être soumis aux mêmes esclavages modernes issus de la spéculation, ce 29 février valait bien une grève générale européenne ! Comprenons bien que le modèle social français, déjà fortement attaqué, ne pourra résister longtemps à la dictature de l’argent et –répétons-le – à la nouvelle crise financière à venir. Car la chute des actions des banques européennes en 2011 annonce une nouvelle crise financière qui cache derrière elle une autre crise : celle de la profitabilité du capitalisme.

Alors certes, nous sommes en période électorale et certains syndicats ont décidé depuis longtemps de concentrer leur action sur le lobbying et la communication plutôt que sur l’action et les rapports de forces. Faire du minimum syndical aujourd’hui, ou ne rien faire du tout, c’est s’en remettre à la seule classe politique. C’est cantonner notre syndicalisme à un rôle d’accompagnement des pouvoirs qui se succèdent. C’est encore et toujours affaiblir plus la possibilité de peser sur nos devenirs collectifs.

Plus que jamais il fallait faire grève générale aujourd’hui. Nous sommes bien placés en Loire-Atlantique, à Saint-Nazaire en particulier, pour savoir ce que le dumping social produit de casse sociale et de xénophobie. Nous sommes tous des plombiers polonais, des travailleurs grecs, des têtes de turcs du capitalisme. Debout les damnés, sœurs et frères ! Le salut ne résume pas dans la croyance aux urnes.

Didier HUDE