Assis dans son canapé, un homme, mais ce pourrait être une femme, regarde BFM TV qui annonce que le Conseil d’État valide les décrets autorisant la police à ficher les opinions politiques, religieuses et syndicales. Il se dit : « M’en fous, c’est pas pour moi ! » et se saisit de la télécommande. Il a raison d’éteindre la télé, il n’apprendra rien de plus sur les chaînes d’info-spectacle. Il a tort de penser qu’il n’est pas concerné. Parce qu’il a une sœur militante, que ce soit dans un parti politique, une organisation syndicale ou une association défendant les droits, elle a déjà sa fiche dans EDVIGE. Mais comme dit le loup : « Si ce n’est toi, c’est donc ton frère ». Notre homme sera dans les nouveaux fichiers de police, surtout qu’il a commandé en ligne un essai d’un économiste dont il ignore qu’il est atterré, qu’il échange sur les réseaux sociaux autour de ses lectures de Didier Daeninckx, un écrivain capable d’écrire pour les enfants un album intitulé Il faut désobéir (un livre retraçant l’histoire de policiers sous Vichy qui ont permis à des porteurs d’étoile jaune d’échapper au départ pour les camps de concentration), un écrivain qui a habité trop longtemps Aubervilliers pour ne pas être communiste, il n’y a qu’à voir les sujets de ses nouvelles et romans. Avec de telles lectures, facile pour la police d’en déduire ses convictions. En plus, il continue de pratiquer le sport qu’il a commencé à 7 ans, le judo : un sport de combat !
Fiction, tout cela ressemble à une fiction, comme en 1948 lorsque Georges Orwell écrit 1984 le roman décrivant un état totalitaire falsifiant l’histoire, où tout le monde peut à tout moment être surveillé par Big Brother. C’était une époque où la vérité alternative n’était pas pratiquée au sommet d’un état mais où on effaçait des photographies les personnes devenues gênantes pour un pouvoir. C’était une époque où la technologie ne permettait pas encore d’imaginer la puissance de la surveillance actuelle mais où les services de renseignements intérieurs étaient déjà en place.
Fiction parce qu’en France, nous sommes en République. C’est ce que pense notre homme.
Une république peut permettre aux femmes, après des années, des dizaines d’années de lutte de gagner le droit à l’avortement comme il y a quelques semaines en Argentine… ou le perdre comme aujourd’hui en Pologne. La liberté conquise n’est jamais gravée dans le marbre, chaque génération doit la défendre.
Aujourd’hui, en France, des dispositions sécuritaires, à priori exceptionnelles, ne cessent d’envahir notre quotidien… jusqu’à devenir plus du tout exceptionnelles. L’état d’urgence décrété après les attentats de 2015 a transféré un certain nombre de pouvoirs au ministère de l’intérieur et aux préfets dont certains, comme les assignations à résidence ou les perquisitions, ont été pérennisé avec la loi sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme. L’état d’urgence sanitaire a failli donner suite, dès décembre 2020, à une loi définissant un régime durable de gestion des urgences sanitaires donnant droit au gouvernement de décider de limitations de déplacement ou de rassemblements.
Une république qui s’installe dans un état d’urgence permanent, dans une logique sécuritaire, prépare le terrain en toute légalité à l’autoritarisme. Elle fait un pas vers la « démocratie illibérale » qui précède celui de la « dictature légale ».
Des élections peuvent conduire à la présidence un candidat qui a obtenu moins de voix que son adversaire, comme Trump en 2016. Des élections peuvent conduire au pouvoir à la présidence un candidat qui n’a obtenu qu’un quart des suffrages du corps électoral, comme Macron en 2017. Jamais, il ne faut oublier l’histoire : des élections peuvent conduire à la création d’un Reich.
Nos lois d’aujourd’hui doivent garantir ce qui est noir sur blanc dans le préambule de la déclaration des droits de l’homme : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions ».
Les lois présentées aujourd’hui par ce gouvernement font tout le contraire et s’attaquent à nos libertés individuelles et collectives.
La loi dite de Sécurité globale prévoit d’utiliser les caméras-piétons des policiers pour permettre en direct la reconnaissance des manifestants, l’utilisation des drones pour surveiller la population, d’interdire de filmer les policiers. Elle vise à transférer des missions régaliennes aux polices municipales dépendant d’élus locaux, à privatiser la police par des délégations aux agences de sécurité privées.
La loi confortant soi-disant les principes républicains pose des interdits touchant les collectivités, les entreprises, les cultes, les associations et tous les citoyen.nes. Elle s’attaque aux grandes lois progressistes votées sous la IIIème République, notamment la loi de 1901 sur les associations, en stigmatisant celles qui ne partageraient pas les vues du pouvoir.
Les décrets sur la sécurité publique entérinent le fichage généralisé des opinions et appartenances politiques et syndicales, sans même se soucier de l’avis de la CNIL.
Le schéma national du maintien de l’ordre vise à empêcher les journalistes et observateurs de faire leur travail et légitime les nassages et les tirs de LBD.
Demain, notre homme, lorsqu’il découvrira que la start-up à l’avenir radieux dans laquelle il travaille a été rachetée par un big business non pas pour la richesse de ses salarié.es mais pour la taille de ses DATA, lorsqu’il découvrira qu’il faut défendre son emploi en descendant dans la rue, lorsqu’il sortira avec sa sœur du bistro d’après manif sans avoir entendu la sommation de dispersion et qu’ils se retrouveront dans un fourgon de police avec des journalistes et les observateurs indépendants, il découvrira, un peu tard, que tout le monde est concerné.
Il découvrira qu’il n’y a rien de rassurant dans des mesures sécuritaires. Il découvrira qu’il ne faut jamais délibérément renoncer à des libertés parce que la nécessité ferait loi, parce que c’est provisoire, juste prévu au cas où…
Il découvrira que l’aspect liberticide des projets de lois et mesures actuelles est le propre d’un gouvernement libéral.
En mars 2020, il était évident que les gens devaient rester chez eux parce que nos hôpitaux ne pouvaient simplement pas accueillir tous les malades. L’explication de cette situation est que le système hospitalier a été mis en pièces par les politiques gouvernementales successives qui ont choisi la rentabilité au détriment de la santé publique. Cela faisait une année que services d’urgence, médecins et mêmes chef.fes de service étaient dans l’action pour dénoncer cette réalité.
En mars 2020, nombreux sont ceux qui ont applaudi les soignants à leur fenêtre et certainement Emmanuel Macron quand il déclare : « Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché… » et « La santé n’a pas de prix. ».
Dix mois plus tard, quelles conséquences le chef de l’Etat en a-t-il tiré ? Changement de cap ? Hélas non !
Les fermetures de lits n’ont pas cessé… elles sont simplement plus discrètes. La loi de financement de la sécurité sociale 2021 a été obligée de prévoir des hausses de budget mais en ne s’alignant pas sur les augmentations de charges fixes, en ne tenant pas compte de la crise de l’hôpital public, il manquera 2,5 milliards d’euros pour financer les dépenses prévues en 2021, sans tenir compte des charges éventuelles qui peuvent être engendrées par le Covid-19. Les recrutements prévus par le gouvernement serviront en premier lieu à pourvoir les postes vacants. Et comme le Ségur n’a pas débouché sur de réels moyens pour améliorer les conditions de travail et rémunérations, les candidats continueront de se faire rares.
Le gouvernement interdit aux gens de sortir en temps de pandémie parce qu’ il n’ y a plus assez de lits, de personnels pour soigner les malades. Ces interdits tout comme ce manque de lits et personnels sont intolérables !
Les libertés individuelles sont restreintes non pas pour assurer notre sécurité mais au contraire parce que nous ne sommes socialement pas assez en sécurité.
Alors cet homme, notre voisin, notre collègue, notre frère, il nous faut le convaincre aujourd’hui. S’il est allergique aux écrits syndicaux, faisons-lui lire le Télérama du 13 janvier titré Liberté : Sommes nous en train d’y renoncer ? discutons avec lui. Rappelons-lui que : « La raison du plus fort est toujours la meilleure » n’est pas qu’une morale de fable mais bien la maxime des loups pour l’homme. Les loups, c’est à dire les hommes qui ont le pouvoir.
Si nous nous rassemblons aujourd’hui c’est pour que l’info-spectacle ne tourne pas la page et que le gouvernement cède à nos exigences :
- Dès maintenant, le retrait total de la proposition de loi dite « de Sécurité Globale » ;
- La fin immédiate de l’état d’urgence ;
- L’abrogation des lois liberticides ;
- Le retour aux droits démocratiques, sociaux, syndicaux et aux libertés de circulation, de rassemblement et de manifestation.
Tant que les textes liberticides ne seront pas abandonnés, nous défendrons sans relâche nos libertés, celles de nos enfants et petits-enfants.
Nous vous invitons, toutes et tous, à distribuer dans les rues du centre ville le tract que les militants de nos organisations vont vous fournir.
Informons nos concitoyens, discutons avec eux pour les sensibiliser et les mobiliser encore plus nombreux et ainsi faire céder Macron et son gouvernement !
On ne lâche rien, on va gagner !