Le gouvernement n’aura pas molli dans la torpeur de l’été… Fidèle à ses habitudes de mise au silence et de sournoiserie, il a soigneusement préparé dans ses tablettes de rentrée ce qu’il faut pour ébranler encore un peu plus ce qui fait le fondement du modèle social.
Il a donc choisi : pour faire des économies en 2019, il va geler APL, allocations familiales et pensions de retraite. Leur « augmentation » réduite à 0,3 % est une provocation face à une inflation annoncée au plus haut avec 2 % de hausse. De quoi pénaliser clairement un nombre important de familles, d’étudiant·es et de retraité·es déjà affecté·es par la hausse d’1,7 point de CSG en 2018, alors même que près de 5 milliards d’euros ont été rendus aux plus aisé·es avec la suppression de l’ISF et la mise en place d’une flat-tax de 30 % sur les revenus du capital. Derrière cela il y a une idéologie affichée : « privilégier la rémunération de l’activité », et « faire revenir les Français vers le travail » dit le premier ministre Edouard Philippe. Ceux et celles qui ne travaillent pas, plus ou qui ne peuvent pas, paieront pour les autres. Le travail… mais de quel travail parlent-ils ? Chez le Président Macron c’est une fin en soi, peu importe le métier, peu importe la formation : un horticulteur peut ainsi devenir cuisinier. La polyvalence est la règle dans le privé comme dans le public, au mépris de toute prise en compte du savoir-faire apporté par la formation que ce même président dit vouloir encourager et valoriser. Chez lui, le « en même temps » ne se soucie guère de la réflexion sur l’adéquation des choses. Nous avions eu le « travailler plus pour gagner plus » de Sarkozy. A présent, c’est travailler à n’importe quel prix, sans garantie que cela assure des vieux jours heureux.
La logique libérale est à l’œuvre : redistribuer moins et travailler plus. Et son slogan est tout trouvé : « Ne te demande pas ce que l’État peut faire pour toi. Demande-toi ce que toi, tu peux faire pour toi. ». La charité et le « aide toi le ciel t’aidera » reprennent la place de la solidarité nationale. La mise en œuvre du programme action public 2022 ne peut être pensée en dehors de ce cadre. La première étape de démantèlement des services publics a pris la forme d’une circulaire caniculaire sensée revoir leur réorganisation territoriale. Fusion de services déjà anéantis par la RGPP, suppressions de missions et resserrement sur le régalien, renforcement des pouvoirs des préfet·es, transfert des postes vers le privé… Cette réorganisation s’inscrit dans un projet d’économie d’échelle et de gestion dont les services publics vont faire les frais, au détriment des usager·es et des agent·es. Les secteurs les plus rentables sont mis en pâture à la marchandisation : menace de surexploitation et d’industrialisation sur la gestion des forêts, mise en agence des politiques publiques du sport,…. Ce n’est plus du déshabillage, c’est de l’étripage : le gouvernement veut retirer ce qui reste d’expertise et de compétences dans des services publics qui ne seront même plus exsangues, mais rayés de la carte. Les premières victimes en seront les usager-es, et parmi eux les plus dépossédés de leurs droits.
Là où le gouvernement use d’une technique de parcellisation des décisions pour réduire les capacités d’analyse globale, notre action syndicale se doit de remettre en lien ce qui participe d’une seule et même politique. Ne pas le faire c’est tomber dans leur piège : séparer les causes et les réactions qui, réellement additionnées, pourraient leur faire ombrage, et les ébranler. Nos lectures sectorisées, si elles sont nécessaires en amont pour comprendre de façon pointue ce qui se joue, doivent se croiser pour analyser la stratégie politique globale dans une dimension interprofessionnelle nécessaire. Sans cela nous les laisserons gagner.
Catherine TUCHAIS