Après des mois qui ont vu s’alterner confinement et déconfinement, questionnements quant à la sortie de la pandémie et aux moyens pour y parvenir, certains invariants donnent à cette rentrée un mauvais air de reviens-y. Gestion chaotique et autoritaire de la crise par le gouvernement, instrumentalisation de celle-ci pour menacer les droits des salarié·es, aggravation des inégalités et de la précarité, et un « quoi qu’il en coûte » qui se mue en « voici ce que cela va vous coûter » – le vous ne désignant jamais les bénéficiaires des largesses financières et des revenus du capital.

Les décisions gouvernementales veulent faire ressembler cette rentrée à celle du monde d’avant. L’entrée en application de la réforme de l’assurance chômage va durcir les conditions d’accès aux droits à indemnisation et diminuer celle des privé·es d’emploi en particulier les plus précaires. C’est un coup de massue d’une injustice sans nom alors même que la hausse des prix du gaz, de l’essence et des matières premières va entraîner une baisse du pouvoir d’achat. Du cartable a été également ressortie la réforme des retraites, non pas pour l’enterrer mais pour réaffirmer la nécessité de supprimer les régimes spéciaux afin de donner à rogner à ceux qui en font une condition du redressement budgétaire, toujours sur le dos des moins riches.

La mise en œuvre sans nul débat démocratique du passe sanitaire pendant l’été est utilisée comme un moyen de contourner le droit du travail et les statuts des fonctionnaires. Plutôt que de proposer des alternatives aux salarié·es non vacciné·es ou refusant de montrer leur passe, le gouvernement répond par des mesures autoritaires : ce seront sanctions, suspensions ou licenciements pour les réfractaires. Cette méthode ignore le rôle essentiel de la médecine du travail. Elle n’entend pas plus s’appuyer sur les CHSCT, instances dédiées à la santé et à la sécurité au travail. La FSU revendique une campagne de vaccination massive mais refuse de voir les salarié·es sanctionné·es sans qu’ils-elles puissent faire valoir leurs droits et les syndicats faire entendre leurs voix. C’est le même message que le gouvernement adresse aux revendications demandant plus de moyens pour l’hôpital public. Parce qu’il prétend avoir répondu à quelques revendications salariales, la question des moyens est balayée alors que le manque de lits et de personnels reste criant.

Cet autoritarisme sur fond de logique ultralibérale s’applique aussi dans les services publics. Quand les syndicats revendiquent le dégel du point d’indice, la ministre Monchalin répond rémunération au mérite. Ces annonces signent la politique de la prime au détriment de l’indiciaire. La crise a montré la nécessité de services publics sur tout le territoire, renforcés avec des emplois statutaires et des agent·es fonctionnaires. À cela, le gouvernement répond contractualisation, loi 3DS, externalisation. Pas un service public n’y échappe et l’Éducation Nationale qui donnait l’impression d’être protégée n’échappe plus à ce démantèlement accéléré. La grève dans l’Education Nationale n’a pas rencontré le succès escompté le 23 septembre. Mais, cette journée d’action sectorielle est à inscrire dans l’ensemble mobilisations de septembre-octobre car la rentrée proposée par Blanquer s’est avérée encore une fois catastrophique : effectifs surchargés, absence d’enseignant·es, services administratifs en surchauffe.

Les mobilisations qui se préparent seront observées avec attention pour évaluer l’ampleur de la colère et de l’exaspération. Elles seront pour nous surtout l’occasion de montrer que nous voulons renverser l’ordre imposé de cette rentrée, et la teinter des couleurs du progrès social. Les mobilisations, le 1er octobre avec les retraité·es, le 5 octobre avec tou·tes les travailleur·euses et la jeunesse, si nous réussissons à les faire d’ampleur, peuvent imposer les thèmes qui sont d’urgence dans le débat public : emplois, protection sociale, services publics, conditions de vie et de travail. C’est en en faisant le véritable enjeu des élections à venir que l’on pourra aussi contrer les détournements de ces débats sur des sujets de haine et de rejet.

Cette rentrée sonne tout particulièrement pour l’intersyndicale CGT, FO, FSU, Solidaires de Loire Atlantique comme une réaffirmation de sa volonté de faire bouger les lignes et de reprendre le boulot dans le cadre d’échanges contradictoires mais fertiles.

Catherine Tuchais et Bernard Valin