En Allemagne, si la CDU est en CDD, le libéralisme est en CDI. Réélue pour quatre ans, la chancelière qui mène l’Europe va pouvoir continuer à imprimer le programme de casse sociale qui est celui de son parti : « la marktkonform demokratie ». C’est-à-dire une « démocratie » conforme aux marchés qui suppose d’adopter des principes d’organisation sociale et économique pour garantir les intérêts de La Finance et des règles d’or de pensée unique. Car c’est bien de pensée unique qu’il s’agit : austérité pour les peuples, reprise des revenus boursiers et des actions pour les autres.
Ce scrutin était allemand. Mais ses conséquences vont être européennes. Les sociaux-démocrates d’outre Rhin enregistrent une nouvelle défaite électorale. Quoi de plus normal, le SPD du temps où il gérait le pouvoir, a ouvert la voie des régressions sociales en vigueur en Allemagne. Il s’est largement disqualifié auprès des classes populaires et des exclus dans une société en grave dépression démocratique. Dès lors que gouverner se résume à la gouvernance de compromis, à l’adéquation aux marchés internationaux, lorsque le politique s’efface devant l’énarque, il devient évident d’avoir à vérifier qu’un programme économique social-libéral ne se distingue plus guère de celui des tenants de la Finance. Face aux droites populistes, le dernier espace de gauche de gouvernance se distinguera par des contrepoints d’évolution sociale : mariage pour tous, ébauches de réformes sociétales…
Chasse au « coût du travail », pacte fiscal en Allemagne, pause fiscale en France, les formules se conjuguent au gré des technocrates formés aux mêmes écoles dites d’excellence, aux mêmes pensées patronales dominantes. La troïka (FMI, BEC, Union européenne) plaide pour plus de concurrence, moins de puissance publique. Les femmes et hommes qui la dirigent sont désormais interchangeables, comme en France à la Cour des Comptes, ou au sein des groupes bancaires et financiers.
Certes, l’exemple allemand ne peut pas se répliquer comme une photocopie, mais ses principes sont à la manœuvre sur les privatisations, l’éclatement des normes au profit des pouvoirs de länder, les compressions salariales, l’affaiblissement des droits sociaux… En France, moins vite que sous les populismes de ces dernières années, mais avec le même cap, les ajustements s’opèrent, avec les mêmes mots : principes de justice, solidarité, réformes équitables… Les nouveaux reculs sur les retraites, la politique de santé mise en ARS, la politique de l’emploi, la conception même de l’économie via l’austérité relèvent des réformes structurelles néolibérales. Toute analyse syndicale s’accommodant de cet accompagnement de pensée ne peut qu’inscrire sa posture dans la capitulation, au mieux la résignation. Dans la Fonction Publique, la RGPP devenue MAP, continue à produire les mêmes effets, les mêmes souffrances chez les personnels, les mêmes replis pour les usagers.
Pris dans l’étau financier, mais aussi par certaines conceptions non dites portées par sa technocratie rapprochée, même le ministre de l’Éducation est désavoué par les faits : la rentrée n’est pas bonne, ni en Loire-Atlantique, ni en Seine-Saint-Denis, ni dans la plupart des départements ! Certes, gouverner n’a rien de facile, mais ce n’est pas tromper l’opinion en faisant croire ce qui n’est pas : les rythmes scolaires sont du trompe-l’œil, les recrutements insuffisants, les enseignants stagiaires maltraités, les ESPE mal pensés…
Si on veut du changement, vraiment, il ne passera que par l’émergence d’un syndicalisme responsable qui ne choisit pas l’accompagnement, ni les divisions lamentables d’appareils. Sans action syndicale, les échéances électorales ne sont que des ponctuations de pouvoirs. L’action syndicale, inscrite dans la durée, avec une ambition de contribution au progrès solidaire, avec la volonté de dépasser les corporatismes pour unifier les revendications et revenir au « plein emploi », est certainement le meilleur programme qui vaille. Dans l’indépendance, soyons exigeants, y compris avec nous- mêmes pour mieux penser demain sans jamais oublier nos fondamentaux à l’origine de nos droits sociaux et de notre conception du vivre ensemble. Certains appellent ça des droits républicains !