La politique du gouvernement Macron / Philippe de démantèlement des services publics est une nouvelle étape dans cette décennie de destruction qui a vu s’enchainer et s’accumuler les réformes, laissant les agents et les services qu’ils font fonctionner exsangues. La volonté d’accroitre l’autonomie de décision des entités locales non seulement vient mettre à mal l’égalité d’accès aux droits sur le territoire et un modèle social construit sur l’intérêt général, mais renforce des formes de pouvoir arbitraire aux mains de hiérarchie agissant seules dans l’opacité de leur bureau. L’outil redoutable de contrôle qui leur est confié porte un nom, l’évaluation, qui vient grignoter les travailleurs, les faire vivre dans la crainte de la dévaluation et dans la peur de perdre leur emploi. Les directeurs·trices, patron·nes, chef·fes d’établissement qui ingurgitent la logique de compétitivité et de classement sans l’interroger ni s’insurger se transforment en gestionnaire de la gestion, et ne voient plus dans leurs salarié-es que des numéros de matricule ou variable d’ajustement. Le projet idéologique gouvernemental affiché et affirmé de casser les statuts – cadre qui donne une référence de protection collective –au profit de l’individu participe de cette fabrique de l’isolement et de la maltraitance professionnel. Dans ce système à l’œuvre, l’efficacité, les économies, la soumission à l’autorité sont les véritables intentions, cachées derrière les masques grimaçants et moqueurs de la « concertation » et du « dialogue social » à sens unique et inique.
Ce monopole de la décision entre les mains de quelques un-es dans la fonction publique – sans les gardes fous que sont les CAP et les CHSCT destinés à être supprimés– a été mise en œuvre au préalable dans le secteur privé avec la réforme du code du travail. Faire prévaloir les accords d’entreprise sur les négociations nationales dans le cadre des conventions collectives relève de la même logique : accroître le pouvoir potentiellement arbitraire des hiérarchies locales, en faisant croire que la relation de subordination aurait été par magie abolie par la seule invocation d’un management bienveillant, participatif, collaboratif. Endormant et infantilisant surtout. L’entreprise libérée se construit sur l’asservissement et la capacité à faire oublier que les salariés sont les producteurs de la richesse
Le recours accru aux contrats précaires, vacataires, intérimaires ou CDD, est une manœuvre consciente de mise au pas des salariés. Ils se retrouvent mis en concurrence, enfermés dans une relation individuelle à leur travail et ainsi éloignés de la force que constitue le collectif.
A travers cela c’est une méthode qui traverse toutes les décisions politiques de ce gouvernement qui est à l’œuvre : rendre responsable chacun de son sort, comme le président Macron vient cyniquement de le faire avec les bénéficiaires des aides sociales. Et de la responsabilisation à la culpabilisation il n’y a qu’un pas. Celle des fonctionnaires qui seraient d’insupportables nantis, celle des privés d’emplois qui seraient des paresseux, celle des salariés défendant leurs droits qui feraient capoter l’économie, celle des retraités qui seraient des charges financières. La culpabilité est un frein à la réaction. Elle fait courber l’échine et baisser la tête.
Nous nous devons de renverser le mouvement : regarder et dénoncer où sont les vraies responsabilités – du côté de ceux qui se servent sans états d’âme dans les bénéfices et les richesses produites– et retrouver cette conscience que nous sommes d’abord la force de travail, et les producteurs de la richesse dont d’autres s’abreuvent. Cela mérite bien de défendre sans rougir, sans sourciller et sans faiblir, nos droits !
Catherine TUCHAIS