Il y a une trentaine d’années Jean Ferrat chantait les espoirs déçus face au repli politique d’une présidence de gauche gouvernant progressivement à droite.

La porte du bonheur est une porte étroite, On m’affirme aujourd’hui que c’est la porte à droite…

On m’a dit qu’il fallait prêcher le sacrifice, À ceux qui n’ont pas pu s’ouvrir un compte en Suisse…

Aujourd’hui, que nous chanterait-il, alors que les pactes d’austérité infligés aux salariés, retraités et chômeurs, et les exonérations en tous genres accordées au maître chantage du monde des affaires nuisent à la « reprise » et à l’emploi ?

50 milliards d’économie ! 50 milliards de dividendes ! En 2013, les entreprises françaises ont reversé 50 milliards de dividendes à leurs actionnaires. La même chose que ce que l’Élysée et Matignon se fixent comme objectifs de purge sur le budget de l’État et les comptes publics d’ici fin 2015.

Dans un formidable élan de solidarité les retraités du public et du privé vont voir leurs pensions « gelées » « provisoirement » jusqu’en 2015, les salariés de la fonction publique connaîtront le même sort jusqu’en 2017, les assujettis aux minima sociaux seront eux aussi mis à contribution. Les agences et opérateurs publics verront leurs budgets réduits d’au moins 6% (sauf Pôle Emploi et l’Université). Les ministères – dont certains devraient disparaître dans les mois à venir (Tourisme, Jeunesse et Sports…) – seront aussi mis à contribution et la politique de suppression d’emplois va continuer sauf pour l’éducation nationale, la police et la justice.

Le sous texte de cette réforme économique inspirée par le diktat libéral c’est que ce gouvernement et ce régime font le choix de réformer la fiscalité et la contribution sociale des entreprises par amputation des dépenses publiques au service des solidarités. Nous entrons dans un cycle vertigineux de privatisation de la richesse publique. La politique familiale va plus que certainement en faire les frais très rapidement. Les mesures avancées sur les politiques de santé et l’hôpital sont elles aussi lourdes de menaces sur l’emploi, mais elles prévoient les déremboursements en programmation, les restrictions de qualité de soins.

Quant à la fonction publique territoriale elle se prépare au tsunami de la refonte des régions (économies d’échelle obligent) et à l’effacement programmé des départements. En contrepartie on donnera des gages aux hobereaux de province en supprimant d’une main la clause de compétence générale, et en redonnant de l’autre des prérogatives ciblées délaissées par l’État. On cherchera ainsi encore à faire des économies tout en supprimant le « mille feuilles administratif ».

Le cap du gouvernement et de l’Élysée est donc bien, entre des municipales catastrophiques pour la majorité et des européennes qui vont plus que probablement confirmer la sanction, le cap de l’austérité qui fait payer le peuple tout en s’inscrivant dans l’Europe des marchés.

Mesure ô combien symbolique : le chef de l’État vient de nommer auprès de lui son camarade de promotion de l’ENA, Jean-Pierre, témoin par ailleurs à son mariage. Jean-Pierre servait en 2007 comme secrétaire d’État dans le gouvernement Fillon. Avant il était au parti socialiste dans l’aile libérale. Depuis il a signé en 2013 une tribune (Le Monde) avec d’autres libéraux de droite, pour le président actuel « accélère les politiques d’austérité ». Sa nomination va l’aider à mieux jouer les Diafoirus de purges auprès de son copain de promo. Ce bras armé du libéralisme, ancien directeur de la caisse des dépôts, a défendu une vision plus moderne de cette institution à vocation publique, avec recherche des plus values latentes immobilières au détriment de missions sociales. Les camarades de la FSU qui ont pu s’intéresser aux pratiques de la société nationale immobilière (SNI) en savent quelque chose.

Le syndicalisme indépendant des partis politiques, se doit d’expliquer l’impasse catastrophique que des oligarchies interchangeables selon les régimes, est en train d’infliger aux plus modestes. Nous arrivons à la fracture grave d’une large partie de la population avec ses institutions politiques, comme syndicales. Nous le vérifions au quotidien. Le 1er mai la FSU, la CGT et Solidaires défileront ensemble. Nous chercherons à faire de cette date symbolique un moment d’interpellation. Le 15 mai, sur des bases distinctes, mais dans une unité préservée malgré certaines proximités politiciennes, les salariés des trois fonctions publiques seront appelées à la grève pour débloquer les salaires gelés depuis 2010 et ouvrir des perspectives de rebond. Le 3 juin, ce seront les retraités qui seront dans l’action plus spécifiquement.

La porte du bonheur est une porte étroite

Affirmons aujourd’hui c’est pas la porte à droite…

Didier HUDE