Cette fin d’année est aussi celle de ce gouvernement qui n’aura fait qu’enterrer un peu plus les espoirs de progrès, de justice et d’égalité. Faire de la politique ce n’est pas mentir, ce n’est pas trahir. Si on est élu sur un programme qu’on n’applique pas, comment ne pas discréditer toujours plus profondément ce qui fonde la démocratie républicaine ? On ne fait qu’alimenter le « tous pourris » et les politiques du pire. Nous ne nourrissions aucune illusion sur ce gouvernement ; nous savions que l’époque était au maigre pour les Français les plus modestes. Nous savions qu’il n’y a pas de fée à Matignon, à Bercy ou à l’Elysée pour que par baguette magique la France cesse d’être vice-championne d’Europe des dividendes servis aux actionnaires du CAC 40. Nous étions lucides. Mais nous voulions croire qu’au moins une rupture, aussi infime soit-elle, s’exercerait. Dans le soutien à une politique sociale digne de ce nom, avec un souci de maintien des moyens pour celles et ceux qui les font vivre au quotidien. Dans le soutien à la fonction publique d’Etat qui était laminée par les destructions d’emplois et parfois plus durement encore par la RGPP.

Il n’en a rien été. Bien au contraire. La loi Travail, la loi Macron, le CICE, l’ANI et autres pactes de responsabilité ont été autant de révélateurs d’une politique qui prenait un cap à peine différent de celui poursuivi lors du quinquennat précédent. Le désaveu est féroce. Mais les faits sont là, têtus. Le discrédit s’est durablement installé. Il ne sera pas levé en quelques mois, d’ici le printemps. Le mal est fait. Il est terrible dans les milieux populaires. Ce quinquennat n’a pas seulement provoqué un champ de ruines politiques au sein d’une gauche dont il ose continuer à se revendiquer. Il entraîne aussi dans son sillage une part du syndicalisme.

Nous l’avions dit en 2012. L’équipe arrivant au pouvoir n’avait pas le droit de décevoir sauf à plonger notre pays dans un désarroi profond, sauf à sombrer et avec elle tout un ensemble de forces de progrès dont les syndicats participent. Cet échec est aussi le nôtre, celui de l’impuissance des syndicats de progrès à pouvoir agir sur nos destinées en ouvrant d’autres pistes que celles des confrontations qui épuisent et nourrissent les ressentiments. Par sa méthode brutale le gouvernement a ruiné une trop large part de son propre électorat. Le formuler n’est pas l’exorciser. Le formuler c’est constater là où ça fait mal, sans s’en réjouir politiquement.

Nous entrons dans une période pré-électorale qui sent la désolation. Il faut remettre à leur place les manipulateurs d’esprits qui voudraient nous faire croire que la suite est déjà jouée. Le traitement médiatique et politique des primaires de droite en est un révélateur. Les refrains anti-fonctionnaires, tricolores et anti migrants gargarisent les gosiers les plus hostiles aux solidarités qui protègent les pauvres. Au bal de la Finance la sécu est un trou, les retraites un fardeau, travailler plus longtemps une vertu citoyenne. En République de reniements les solidarités sont présentées comme des charges, pas comme des richesses partagées.

Dans la période électorale ouverte, les syndicats de salariés vont devoir imposer le thème d’une république sociale. Car, les sociaux-démocrates s’étant dissous dans la gestion capitaliste, ils ont rejoint François Fuyons. Une mandature « normale » a tout atomisé. Le syndicalisme doit renouer avec sa fonction première : imposer les compromis sociaux au lieu de subir la globalisation soumise à la financiarisation. Nos salaires, la sécu, l’hôpital, nos retraites doivent passer avant les profits.

Sortir de la servitude moderne : voilà un programme syndical ! Ne pas se résigner, affirmer nos idées, être avec les femmes qui marchent pour l’égalité, des collectifs qui au quotidien soutiennent des migrants au défi de l’application aveugle des lois, les syndicats et salariés qui se mobilisent pour dénoncer les politiques de licenciements, le travail en miettes, le chômage institué, pour imposer les services publics. La liste est longue.

Pour ne pas être « trumper » quand un pays n’est plus qu’une entreprise un seul programme : lutter en toute lucidité.