Il y a un an, le 10 juillet 2012, le premier ministre initiait un premier tour de piste social avec une conférence pleine d’engagements. Le cap donné était prometteur avec entre autres pistes de réformes : « encadrer les licenciements, assurer [via les salaires] aux salariés la juste contrepartie des efforts, mettre un terme à la RGPP, ne pas donner suite au projet sarkozyste compétitivité emploi… ».
Un an après où sommes-nous ?
Aucune loi n’est venue contrarier les licenciements boursiers. Les prédateurs de la finance comme Arcelor Mittal peuvent continuer à détruire, piller et faire fortune. En termes de compétitivité et d’emploi le gouvernement – avec ses alliés syndicaux et ses partenaires patronaux – a accouché de l’ANI qui n’est qu’une reprise du projet du MEDEF et de Sarkozy. Les licenciements courent toujours au rythme effarant de 1 000 chômeurs de plus par jour ! Les salaires stagnent. Les profits des actionnaires s’envolent toujours plus. Dans la fonction publique l’arnaque politico-technocratique est toujours là : la MAP (modernisation de l’action publique) a remplacé la RGPP. Même dans l’éducation nationale, où des efforts ont été programmés, on mesure des persistances de cap négatives, des conceptions inspirées d’adéquations à l’emploi. Quant aux rythmes scolaires c’est l’illustration désolante d’une réforme ratée qui cache très mal la volonté de « territorialiser » l’École pour des raisons à la fois économiques et dogmatiques. La formation initiale des enseignants patine, engluée dans l’absence de moyens et d’ambitions autant que dans des conflits de prérogatives.
Un an après, la conférence sociale de juin 2013 est le contre-pied de celle de juillet 2012. Au nom de la crise et du réalisme, et surtout des compromis à passer avec l’ordre économique mondial, le gouvernement explique ses replis et les régressions qu’il entend programmer. Sur les retraites, comme sur les salaires, ou la protection de manière générale, la conférence avance par petites touches. La logique est toujours la même. Loin de remettre en cause les politiques de concurrence qui asservissent les peuples au vampirisme financier, le gouvernement choisit d’organiser l’intégration à l’austérité.
En une année, le gouvernement et l’Élysée ont fait la preuve d’une politique d’accompagnement plus ou moins critique de la doxa libérale. La crise ne fait que révéler les choses plus vite, elle n’explique pas, ne justifie pas les contradictions entre discours et choix politiques et économiques. Le « mariage pour tous » ne saurait dissimuler la forêt de régressions sociales qui se poursuit et se programme.
Par le biais de mesures de représentativités syndicales aux calculs alambiqués la CGT et FO se retrouvent minoritaires face au pôle d’accompagnement (CFDT/ CFTC/CGC). C’est une première de mauvais augure : la CGT est mise en position minoritaire pour la première fois dans notre histoire sociale. Le pôle dit réformiste (avec l’UNSA) se caractérise en fait par une escorte prudente des choix dominants en cours. Les combats à venir sur les retraites, le statut de la fonction publique, l’emploi et le code du travail vont avoir à tenir compte de cette profonde division du syndicalisme salarié. Notre capacité à déterminer la manière dont nous voulons vivre passe par un combat qui est très idéologique : un autre monde est possible. Accepter celui-ci et ses logiques mortifères ne peut que conduire le syndicalisme à servir de papier d’emballage aux logiques d’exploitation. Le principe de réalité n’est pas d’accepter l’ordre établi mais d’en changer les paradigmes par la conscience et l’action. Loin d’être une formule ce principe doit devenir actif pour contrer le populisme d’extrême droite et la faillite grandissante d’un gouvernement qui coure à sa perte par désaffection et déception des milieux populaires. Ceci n’est pas un jugement, c’est un constat.
Didier HUDE