« C’est justement parce que le capitalisme n’a pas de morale que nous devons en avoir une »

(A. Comte-Sponville)

Les élections professionnelles tenues à l’occasion du scrutin général dans la fonction publique de l’État, le 20 octobre, ont été calamiteuses du point de vue de leur organisation. Ce facteur témoigne de la considération du gouvernement pour un scrutin pourtant essentiel au dialogue social. La FSU perd sa première place dans la fonction publique de l’État au profit de FO. Pourtant, paradoxalement, la FSU conforte sa première place dans l’éducation, progresse un peu partout dans les autres ministères où elle se présentait. Mais 20 points de participation en moins à l’éducation nationale (à cause d’un vote électronique pensé pour justement fragilisé la FSU) ont été fatals. En projection des résultats acquis sur un scrutin à 60% de participation au lieu de 38%, la FSU serait toujours autour de 20% des voix, en tête, au lieu de 16% aujourd’hui.

On aurait pourtant besoin dans un contexte social marqué par des logiques qui nous conduisent droit à la récession de signaux positifs venant des salariés. Les réformes de progrès social ont toujours été des avancées faisant écho aux luttes. Sans luttes, on risque bien de n’avoir au mieux qu’une alternance cherchant à donner un autre sens à une autre rigueur épousant une large part des considérants du régime actuellement au pouvoir. Le syndicalisme a besoin de débouchés politiques aux revendications qu’il porte. La place de la FSU dans le concert social est d’importance à cet effet. On comprend dès lors pourquoi il peut être si important pour certains, cherchant à moraliser ou pas le capitalisme et ses avatars de l’instant, de cher- cher à fragiliser notre fédération syndicale, porteuse de parcelles de vies, de luttes et de propositions.

Le 15 décembre, l’éducation nationale, après « pôle emploi » dernièrement, sera dans l’action sur un mot d’ordre clair de grève et manifestations porté par les syndicats de la FSU en intersyndicale. Ce signal donné, les rapports de forces que nous sommes capables de créer, pèsent déjà. En 48h, pour tenter de désamorcer le mouvement, le ministre a battu en retraite sur les rythmes scolaires, le blocage des promotions pendant 5 ans… Il nous faut réussir le 15 décembre et ce sera symboliquement une ouverture pour tous.

Car, pour l’heure, il n’y a plus de capacités à mobiliser de manière significative dans le cadre interprofessionnel. Le 13 décembre en est une illustration supplémentaire. Ponctué par des rassemblements symboliques, au lieu de signes forts, les textes d’appel du 13 décembre révèlent une plate-forme minimale dans laquelle on n’évoque ni les « dettes publiques » du gouvernement et leurs origines, ni des mesures pourtant dévastatrices pour les plus pauvres comme l’augmentation de la TVA « sociale » de 5,5 à 7%. Certes, l’action unitaire est nécessaire mais quand l’unité signifie le ralliement aux pratiques syndicales d’accompagnement qui ont intégré les logiques de gestion dominante, on doit dire haut et fort que cette unité de façade est improductive. Sans rapports de forces le syndicalisme ne peut peser sur le cours de nos vies. Il laisse la voie libre aux seuls politiques qui en décousent entre eux pour le printemps 2012 qui, in fine, seront les seuls avec les lobbies de toutes sortes à peser sur les futures politiques publiques à mettre en œuvre.

Bien qu’en difficulté, le syndicalisme a pourtant de lourdes responsabilités.

Un syndicalisme un peu audacieux, ambitieux, n’aurait-il pas intérêt à porter une analyse partagée sur la « dette publique » et la sortir du carcan des marchés financiers. Car à l’y laisser on va droit à la récession généralisée. Des solutions ont été avancées qui concernent le mouvement syndical, pas seulement les politiques : monétisation des dettes par la BCE, interdiction des marchés de produits dérivés, séparation des banques de dépôt et d’investisse- ment, taxe sur les transactions financières, interdiction des paradis fiscaux, empêcher le dumping fiscal – si cher au président de la République – qui assèche les recettes des Etats, développer des moyens de financement à l’échelle européenne en refondant la BCE sur des bases de coopération au lieu d’en faire un satellite négatif du FMI. Cet ensemble de réflexion ne devrait-il pas au moins faire l’objet d’un débat intersyndical et d’une analyse la plus partagée possible ? Continuer à tenir des discours sur la « crise » alors que se profile un véritable naufrage économique et social a quelque chose de surprenant.

Les questions lourdes du changement obligatoire de politique industrielle dans le processus de transition écologique, du contrôle public sur les banques et le crédit, des ressources fiscales nécessaires à l’action publique doivent être discutées afin que le syndicalisme soit en capacité de faire des propositions à la hauteur des enjeux. On ne peut se satisfaire de la situation actuelle, de l’attentisme syndical paralysé par lui-même, se résumant de fait à un corps social intermédiaire limitant lui aussi son action au lobbying.

En Loire-Atlantique notre fédération ne peut elle-même faire mieux que subir la situation. Mais nous allons au moins continuer à peser dans le sens de la réflexion pour plus et mieux d’action. L’idée de faire revenir Bernard FRIOT pour un cycle d’interventions avance. Ce serait un rendez-vous utile pour faire un peu plus de sens par les temps qui ne courent plus.

Didier HUDE