La vie est un sport de combat

La saison 2 de la présidence Macron est maintenant bien lancée. Pas de surprise. Malgré le teasing de la campagne électorale, le jupitérien scénariste, réalisateur et acteur principal nous propose bien un drame social. Un soap avec les ingrédients de la saison 1, les mêmes rôles secondaires tenus pas des femmes et hommes politiques qui font mine de ne plus reconnaître leur droite de leur gauche alors qu’elles et ils suivent religieusement la direction imposée par le producteur exécutif qu’est le MEDEF. Ensemble, ils considèrent les Françaises et les Français comme les spectatrices et spectateurs idéales des PDG de TF1, des cerveaux débranchés ! Ils reprennent d’épisode en épisode le même fil narratif de la saison 1 : des réformes qui toutes ciblent les travailleuses et travailleurs, les plus fragiles de nos concitoyennes et concitoyens… il y a celui de la nouvelle aggravation des conditions d’indemnisation des chômeuses et chômeurs, celui, remake de remake, de la contre-réforme des retraites qu’ils veulent pimenter du suspense : recul de l’âge légal ou allongement de la durée de cotisation ? Qu’importe l’arme du crime, on connaît déjà les victimes.

Les libéraux, ça ose tout ! C’est même à ça qu’on les reconnaît. Olivier Dussopt justifie une nouvelle réforme de l’assurance-chômage qui durcit une nouvelle fois les règles d’indemnisation parce que nous aurions, dit-il : « un système qui n’est pas adapté aux conjectures économiques (…) pas assez protecteur quand la situation économique se dégrade et (…) au contraire très protecteur quand la situation économique s’améliore ». Notre cher sinistre du travail faisait pourtant parti du casting précédent qui, en pleine crise sanitaire, s’est arc-bouté pour appliquer la précédente réforme de l’Assurance chômage, une contre-réforme qui entraîne une baisse moyenne de 22% des indemnités. Ça ose tout ! 2020-2021 aurait été une période durant laquelle la situation économique s’améliorait… pour qui ? Et aujourd’hui, avec une hausse de l’inflation de 6%, pour l’instant, elle s’améliore peut-être ?

Le langage des chiffres a ceci de commun avec le langage des fleurs, on lui fait dire ce qu’on veut. Les chiffres parlent mais ne crient jamais… mais le gouvernement, lui, hurle sur les toits l’urgence de réformer le système des retraites. Il s’empare du rapport du Conseil d’Orientation des Retraites pour dramatiser les projections de déficits… en se gardant bien de rappeler que ces déficits n’existeront que parce que le gouvernement envisage de faire baisser les recettes du système de retraites.
Les objectifs de la réforme des retraites, Gabriel Attal les explicite en partie au JDD : « Nous nous sommes engagés à investir dans l’Éducation en revalorisant de 10% les salaires des enseignants, à recruter 3 000 policiers et gendarmes l’an prochain… Tout cela, il faut le financer. » Si le gouvernement veut précipitamment mettre en place une réforme des retraites, c’est qu’il veut faire baisser les dépenses de retraites plus vite. Il trouve trop lente la réforme Touraine de 2014 qui prévoit pour une retraite sans décote l’augmentation progressive de la durée de cotisation jusqu’à 43 ans en 2035. Les dépenses de retraites ne baissent pas assez vite pour cet autre engagement du candidat du capitalisme, la baisse massive des « impôts de production » qui bénéficiera avant tout aux multinationales. C’est écrit noir sur blanc à la première page du programme de stabilité remis à l’Union Européenne en juin dernier : « Ces engagements seront tenus sans augmentation des impôts obligatoires, essentiellement grâce à des réformes structurelles, en particulier la réforme des retraites. » Un véritable détournement de fonds ! Faites-nous confiance, qu’ils disent, nous leur laisserons de quoi mourir. Tout juste.

Y a pas à dire, dans la vie, y faut toujours se fier aux apparences quand un homme a un bec de canard, des ailes de canard et des pattes de canard, c’est un canard. Et ce qui est valable pour les canards l’est aussi pour les petits banquiers. Il est illusoire de croire qu’un banquier puisse prêter sans contrepartie. La loi dite d’urgence pour le pouvoir d’achat a, d’un côté, posé quelques rustines sans portée sociale et de l’autre, par des exonérations de cotisations, a amputé le salaire socialisé, fragilisant encore plus notre protection sociale. Alors que la France se place en tête des pays européens pour la hauteur de dividendes perçus par les actionnaires, le gouvernement refuse d’entendre parler d’augmentation des salaires. Alors qu’en 2021, Total Energie a un chiffre d’affaires qui passe de 6 à 16 milliards, que Carrefour engrange 4 fois plus de bénéfices, que BNP Paribas augmente les siens de 2 milliards, les fonctionnaires se contentent d’une revalorisation de 3,5% du point d’indice, les retraités de 4%… aucune prise en compte des pertes précédentes, ridicule en regard de l’inflation. D’un côté les conditions de vie et de pouvoir d’achat se dégradent, de l’autre les milliardaires et les multinationales ne se sont jamais autant enrichis. Ce qui ne les empêche pas de pousser des cris d’orfraie : Touche pas au grisby… salauds de pauvre, qui s’imaginent que parce que des profits se font sur le dos des pandémies et des guerres qu’il faudrait se partager le butin. Si une taxe sur les superprofits est déjà appliquée dans certains pays sous diverses formes (Italie, Espagne, Grèce, Royaume Uni, Pays Bas et Allemagne), en France le gouvernement continue de penser : Pourquoi certains n’auraient pas tout ? Il y en a qui n’ont rien. Ça fait l’équilibre.

Avec l’agenda néo libéral et les réformes anti sociales du président Macron, ce sont les premiers de corvée, les personnes les plus paupérisées, les femmes qui paient et paieront le prix fort. Le syndicalisme doit construire les mobilisations les plus larges, donc unitaires, favoriser les mouvements sociaux pour porter les revendications d’urgence sociale, d’abord sur les salaires, les pensions et allocations, les revendications de justice sociale pour imposer un partage des richesses, les revendications d’urgence climatique.

Si nous restons spectateurs, il n’y aura pas de happy-end. En paraphrasant Pierre Bourdieu dont la science a pour objet la société, la vie est un sport de combat. Alors camarades, luttons. Luttons ensemble pour que les types de cent trente kilos écoutent enfin ceux de soixante kilos. Luttons, luttons tous ensemble !

Les citations proviennent des dialogues écrits par Michel Audiard.

Erick Lermusiaux