L’ÉGLANTINE PLUTÔT QUE LE MUGUET

N’oublions pas que, quoiqu’en disent les calendriers et nos habitus, le 1er mai n’est pas la « fête du travail » mais la journée internationale des travailleurs. « La fête du travail », le maréchal Pétain l’a nommée ainsi pour faire oublier la journée de manifestations de la classe ouvrière qui se souvient des victimes des puissants, des patrons et de la classe politique qui les soutient, celles de Chicago en 1887, celles de Fournies en 1891. Le jour de manifestations du 1er mai est créé par l’Internationale socialiste pour que « dans tous les pays et dans toutes les villes à la fois, les travailleurs mettent les pouvoirs publics en demeure » d’écouter leurs revendications.

N’oublions pas que mai n’est pas le joli mois qui fête Marie et le printemps mais le mois des plus grandes grèves de notre histoire, celles de 1936 et du Front populaire, celles de 68.

N’oublions pas que le 1er mai est international. N’oublions pas les grèves de nos voisins qui ressemblent furieusement aux nôtres, comme en mars en Italie et en Espagne dans les transports aériens, en avril en Allemagne dans la Fonction publique…

La mondialisation économique veut faire oublier jusqu’à l’idée d’internationale ouvrière, elle met les peuples en concurrence, exacerbe les nationalismes et la xénophobie. Confrontés à la tragédie des réfugiés, les gouvernements européens cèdent devant les relents racistes et les peurs. En France, on se dote d’une énième loi pour mieux rejeter, maltraiter et priver de dignité et de droits les migrants qui parviennent à se réfugier dans notre pays… comment à l’avenir traiterons-nous l’immigration climatique ?

La mondialisation n’a pour objectif que d’augmenter les profits d’une minorité, un moyen : tout libéraliser, y compris les services d’intérêt général… tout devient marché : le marché de l’eau, le marché du travail, les transports, la santé…

En France, le président-banquier profite de « la France malheureuse et inquiète », ce sont ses mots, pour s’attaquer au modèle social français et se défaire des grands principes du Conseil National de la Résistance : retraite par répartitions, universalité des prestations, statut de la Fonction publique, démocratie sociale et économique par la cogestion des partenaires sociaux.

Après la réforme libérale du code du travail qui affaiblit les protections des salariés du privé, le gouvernement s’attaque aux services publics en abandonnant au secteur privé certaines missions actuelles assurées par les agents publics, en mettant en concurrence des services aujourd’hui assurés par l’Etat et les collectivités, en réduisant les moyens en budget et personnels, en réduisant les protections des agents publics.

Le « nouveau monde » d’un banquier, c’est une société à gestion dégraissée, le lean management, « le système qui va changer le monde », inventé dans les usines Toyota dans les années 80, on l’applique aujourd’hui à l’hôpital, parce qu’ « on peut gérer un hôpital comme une entreprise », « on peut soigner à la chaîne ». Les valeurs d’égalité, de justice n’ont pas cours dans ce monde où l’argent est roi.

Le syndicalisme que nous défendons à la FSU, un syndicalisme de transformation sociale, rassembleur, de luttes et de propositions, se bat pour les droits humains, le respect des droits fondamentaux des travailleurs, mot polysémique pour désigner les salarié-e-s du privé, les agent-e-s des Fonctions publiques mais aussi les privé-e-s d’emploi, les retraité-e-s et les jeunesses, étudiant-e-s et lycéen-ne-s, travailleuses et travailleurs en devenir. Mais il faut faire le constat, sans pessimisme mais avec lucidité, que ce syndicalisme n’est pas le seul, qu’il en ait qui se disent réformateurs jusqu’à devenir accompagnateurs.

Le syndicalisme divisé est à l’image d’un monde politique fracturé qui désespère.

Depuis sa création, il y a 25 ans, la Fédération Syndicale Unitaire a une visée originelle d’unification du mouvement syndical, seul héritage que nous avons voulu garder de la FEN, longtemps originale dans le paysage syndical français en refusant de prendre position après la scission de 1947 entre CGT et CGT-FO. Aujourd’hui pourtant, trop souvent, la FSU se complet dans son rôle de fédération de fonctionnaires jusqu’à demeurer timorée pour construire un « tous ensemble » interprofessionnel. C’est pourtant la seule alternative pour combattre les politiques dites néolibérales, construire, sans qu’il y ait de panache blanc à rallier, une unité d’actions et faire front dans cette guerre économique mondiale.

Il est grand temps que nous nous retrouvions autour d’une églantine rouge plutôt qu’autour du muguet que Vichy lui a préféré.