Combien faudra-t’il de colères pour que soient enfin entendues les souffrances et les privations de la population ? Combien encore de révoltes pour que ce dédain insupportable cesse ? Depuis un mois des mouvements spontanés de colère éclatent dans notre pays. Depuis plusieurs années nos mobilisations syndicales dénoncent les fractures et injustices intolérables que le gouvernement installe en choyant les plus riches. Retraités menacés de paupérisation par la réforme des retraites, agents des hôpitaux épuisés par des réductions de moyens, lycéens, enseignants et étudiants refusant la sélection et le tri social, agents des services publics méprisés et pressurisés, salariés des EHPAD contraints à des conditions de travail et d’accompagnement indignes, salariés précarisés et menacés par une mise à mal du code du travail… Ces mobilisations que nous n’avons eu de cesse de tenir étaient autant de signaux d’alerte qui ont été ignorés par un gouvernement sourd et hautain. A force de nous prendre des vents, nous nous essoufflions.
Les formes inédites de colère que les gilets jaunes ont impulsées viennent relayer ce que nos propres outils n’arrivaient plus à imposer. Ce n’est pas faiblir que de reconnaître ça, car nos luttes quotidiennes continuent elles, d’abord dans nos lieux de travail et d’activité. Il faut prendre comme une chance que d’autres façons existent à côté des nôtres et viennent questionner les formes de la représentation. Parce que certaines des revendications exprimées par ces colères rejoignent celles que nous portons dans le champ syndical, elles nous redonnent force. La grève à laquelle nous appelons aujourd’hui en est un signe. Elle n’est pas en contre ni en indifférence. Elle est un marqueur de plus, comme les mobilisations des lycéens qui tiennent blocus avec courage malgré les répressions depuis presque deux semaines. Comme les agents de l’éducation nationale qui les rejoignent et qui ont manifesté ce matin devant le rectorat contre les suppressions de postes et contre le système inégalitaire qu’instaure la réforme des lycées et Parcours Sup . Comme d’autres mobilisations nous l’espérons à venir…
Ces colères ont enfin obligé le loup à sortir du bois. Après avoir répondu de manière autoritaire et répressive, le gouvernement a enfin rompu son silence…. Mais pour quoi ? Pour une mascarade de plus. Car aucune des mesurettes annoncées ne vient répondre aux immenses attentes de ceux qui ont été privés depuis trop longtemps des parts du gâteau. L’augmentation annoncée du SMIC ? Elle est juste la mise en œuvre anticipée de décisions antérieures et le résultat d’une augmentation automatique ; les primes ? Elles seront au bon vouloir des employeurs, et elles ne correspondent pas à l’attente d’augmentation des salaires ; l’exonération des cotisations sociales sur les heures supplémentaires ? De l’argent retenu sur la part de salaires permettant de financer la protection sociale … Car derrière cela la vraie question c’est : qui va payer ? Clairement, le financement ce sera avec la baisse des APL, avec la casse de la Sécurité Sociale, avec la réduction des services publics, avec le gel des minimas sociaux, avec la contribution de celles et ceux qui déjà se serrent la ceinture… L’argent va être pris là où il y en a le plus besoin, pas auprès de celles et ceux qui savent le planquer et le faire capitaliser.
Le gouvernement maintient ses orientations comme il maintient l’ordre : avec aveuglement et autoritarisme. Macron reste le président des riches : rien sur l’ISF, rien sur la lutte contre l’évasion fiscale, rien sur une véritable justice fiscale ; mais encore plus pour le CICE dont le coût s’élève aujourd’hui à 42 milliards d’euros sans aucun effet sur l’emploi, et qui va être transformé en 2019 en baisse pérenne des cotisations patronales…
En croyant faire plier le peuple avec ses effets de manchette ce président révèle encore une fois l’ampleur de son mépris. Que nous soyons organisations syndicales, dans nos entreprises et nos services publics ; lycéens et étudiants dans leurs établissements ; tous, avec ou sans gilets, nous continuerons avec détermination et dans une exigence de solidarité et de fraternité, à dire notre refus de l’injustice sociale, et la nécessité urgente d’une vie digne pour toutes et tous, d’un accès égalitaire à tous les droits fondamentaux et l’obligation pour celles et ceux qui prennent les décisions en notre nom de nous rendre les comptes.
Camarade, partout où nous sommes, où nous travaillons, où nous étudions, nous continuerons à porter haut et fort cette revendication d’un modèle social protecteur et égalitaire, dans une dynamique syndicale que les mouvements actuels nous invitent à retravailler et à réaffirmer.
Catherine TUCHAIS