Voilà des semaines, voilà des mois, que les un·es et les autres, dans nos champs professionnels, dans notre quotidien, prenant sur nos samedis, nos soirées, nos nuits, nous construisons et tentons avec nos moyens de faire durer des mobilisations pour un monde de justice et de solidarité, un monde par toutes et tous habitable, aujourd’hui et demain.

Pendant ce temps là, le gouvernement a cru pouvoir nous mystifier en se répandant de grand débat en grand meeting. Ce qu’a surtout permis ce simulacre de « parle ! je t’écoute » c’est de vérifier en un temps record la surdité et l’aveuglement d’un gouvernement dont on en attendait d’ailleurs pas moins. Car pendant ce temps là, eh bien les ministres continuent leurs réformes destructrices, sans modifier aucunement l’orientation politique libérale responsable des souffrances et des exaspérations des citoyen.ne.s. Pendant que Macron se pavane manches blanches retroussées faisant celui qui s’intéresse, ses sbires s’activent à continuer le travail de détérioration du régime des retraites, de détournement des droits en matière de solidarité sociale – travail, chômage et santé en premier lieu-, de démantèlement des services publics – éducation, finances publiques, emploi … – et du statut de ceux et celles qui le font vivre. Macron demeure le président qui juge les bons et les mauvais exclu.es de cordée. Malgré les alarmes, malgré les analyses, malgré les soulèvements, la violence de cette politique de relégation n’est en rien modifiée. Ils ne voient que par elle. Ils ne regardent ni n’entendent le peuple.

Pendant ce temps là… A l’Éducation nationale, le ministre se fend d’une loi dite « école de la confiance », qui à elle seule montre comment ce gouvernement se complait dans sa surdité, en privant encore un peu plus les citoyens de services publics proches et accessibles. Là c’est l’éducation qui est visée, l’école, celle où l’on peut encore aller à pied, où l’on croise d’autres parents, des enseignants, celle où l’on peut encore prendre le temps de discuter du quotidien de nos enfants, celle où l’on se connaît et ainsi faisant on peut se parler, se comprendre et faire quelque chose ensemble. Elle est là la confiance ! Elle existe uniquement grâce à cela, à la proximité, à la facilité d’accès, à ce temps pris et donné.

De la maternelle à l’université, les enseignantes et enseignants, avec les parents, les lycéen·nes et les étudiant·es du département se mobilisent pour défendre le service public d’éducation. Lourdement attaqué, comme tous les services publics, le secteur de l’éducation dit son refus de la dispersion des moyens au profit de la marchandisation, son refus de voir mises en œuvre des techniques managériales qui ne visent que le contrôle et la mise au pas des personnels, le refus d’un service public à double vitesse et qui organise le tri social dès le plus jeune âge. Tous les services publics sont menacés aujourd’hui alors que jamais ils n’ont autant été réclamés pour être également accessibles sur tout le territoire. La seule préoccupation du gouvernement encore une fois : faire des économies sur le dos de nos droits les plus fondamentaux.

Pendant que nous exigeons sans relâche une société qui donne le meilleur pour toutes et tous, le gouvernement aligne les citoyen·nes sur ce qui se fait de pire. Les atteintes au droit du travail et à des conditions de travail protectrices permises par la réforme du code du travail dans le privé servent aujourd’hui de modèle à la réforme de la fonction publique : précarisation, flexibilité, mise en compétition des salariés, fusion des CT et des CHSCT… C’est la pire règle appliquée pour toutes et tous, celle qui est au service de l’ordre économique capitaliste où chacun et chacune doit être disponible et prompte à être déplacé·e ou remplacé·e au gré des exigences du capital.

Nous ne devons pas nous résigner. Nous ne devons pas nous essouffler. Si la Macronie gagne, ils iront encore plus loin. Si nous sommes là, c’est pour inlassablement dire à ce gouvernement qu’il ne peut continuer d’ignorer la capacité de résistance de celles et ceux qui ne veulent plus subir. De celles et ceux à qui on demande sur un ton paternaliste et condescendant d’être responsables – de leur avenir, de leur parcours, de leur budget, de leur planète – alors qu’on les prive depuis trop longtemps de toute légitimité à intervenir dans le débat public sur des décisions qui les concernent. Nous sommes nombreux·euses à ne pas baisser les bras : retraité·s qui se mobilisent en nombre depuis des mois, jeunes qui se mettent en grève pour le climat ou pour un système éducatif juste, salarié·s de pôle emploi qui refusent de procéder au contrôle des privé·s d’emploi, Gilets jaunes qui chaque samedi depuis 5 mois se mobilisent contre toutes les formes de mépris et pour la justice sociale… Etre aujourd’hui ici réunis, c’est se redonner des forces et faire entendre de façon unanime que ce n’est plus à nous de rendre toujours les comptes quand ceux et celles qui sont en haut de l’échiquier n’en rendent aucun et quand sont servis d’abord les plus repus.

Nous sommes là pour retrouver des temps et des espaces, pour unir nos revendications communes mais aussi pour affronter et rendre féconds nos désaccords, hors de nos solitudes et de nos relégations. Cette journée, comme toutes nos mobilisations depuis ces 5 derniers mois, vient dire un refus commun, celui d’un monde qui sépare et isole, qui laisse trop d’entre nous sur le côté et qui oublie de protéger les générations à venir. Les violences policières sans précédents ont été la seule réponse aux mobilisations portant revendications sociales, augmentation des salaires et des retraites et réclamant plus de justice fiscale. La Macronie a montré son vrai visage, celui d’un pouvoir autoritaire voulant faire passer en force le traditionnel message thatchérien : « Il n’y a pas d’alternative ! ».

Alors nous devons continuer de montrer que si des alternatives il y en a. Nous devons continuer de nous retrouver pour dire notre refus absolu d’une politique qui culpabilise les plus fragiles et ne protègent que les forts, une politique qui ignore les difficultés liées à la mobilité, à la multiplication des tâches, à l’impossibilité de trouver du temps et du sens. Nous sommes là pour maintenir l’espoir et pour ne pas leur laisser croire que le chemin est libre, nous devons continuer de nous retrouver, d’être dans la rue pour dire notre désir commun de vivre dans un monde respirable et juste, et notre souci d’humanité qui doit rester la seule fin à défendre. Nous sommes là encore et pour longtemps.

Catherine TUCHAIS