Oyez braves gens ! En ce jour de 1er mai moderne de l’an 2009, grâce à notre gouvernement et notre patronat – qui nous aiment – humanisons le capitalisme ! Le capitalisme c’est la vie !
L’homme le porte en lui dans ses gènes.
Déjà, dans la préhistoire, Cro-Magnon avait fait une OPA sur Neandertal.
L’humanité est une grande chaîne solidaire à l’image des opérateurs boursiers. Richard achète parce que Omar achète parce que Li Tuong achète parce que Richard achète ! En réalité, Richard achète parce qu’il achète mais il croit qu’il achète parce que les autres achètent. Les traiders sont comme les augures ; ils lisent dans le vol des oiseaux. Dans les champs de bataille économiques, on vend au clairon, on achète au canon, on engrange au piston du délit d’initié.
On ne fait pas d’omelettes sans casser des oeufs, ni de guerre classique sans casser de l’homme. À la guerre moderne on casse de l’emploi. La Bourse est en hausse on bourre d’emplois les fosses !
Chaque siècle doit avoir les penseurs qu’il mérite. De Parisot à Attali, de Bébéar à Besson, de Nic Sarkoskhan à Dominique Strauszy on voit germer la nouvelle humanité : celle qui sait conjuguer la liberté du marché avec le totalitarisme de l’économie capitaliste.
L’avenir se construit dans les profits espérés des entreprises et de la mondialisation. À part quelques rares exceptions, aucun État n’est raciste, aucun actionnaire non plus. Disons-le tout net en
ce jour de 1er mai de solidarité internationale du monde du travail ! Ce n’est pas la couleur de la peau qui importe. C’est celle de la rentabilité économique. Toi y’en efficace ? Flexible ? Discipliné ? Prêt à
travailler plus pour gagner moins ? Et toi là ? Quel est ton taux de syndicalisation ? Ton coût de revient ? Si moi y’en a pouvoir manger chez Maxim’s, toi y’en a soupe populaire.
Exilés de Sangatte et d’ailleurs, naufragés d’Afrique, chômeurs profiteurs, pauvres en tous genres soyez rassurés, les Riches des pays riches pensent à vous. La World Compagny pense pour vous.
L’Etat ne sera plus jamais providence, il sera subsides et gros bâton pour mieux réguler la tiersmondisation du monde. Tirer vers le bas le coût du travail, mettre en concurrence la main-d’œuvre et les salariés pour augmenter les profits, voilà une chose qu’elle est bonne. Diminuer les prestations sociales, les allocations chômage, exonérer par ci, créer par-là des contrats dits d’insertion ou de qualification alors qu’on vérifie chaque jour que ce sont des contrats de pré exclusion, tout cela contribue à la tiers-mondisation. Déqualifier le travail et baisser les salaires ne crée pas d’emplois !
La crise aujourd’hui c’est ça. Cette logique implacable d’un système fou.
Il appartient à la classe politique qui n’est pas résignée de travailler à une construction indispensable d’alternatives. Mais c’est une affaire trop sérieuse pour la laisser aux seuls partis. Le syndicalisme, et d’autres consciences alimentant les forums sociaux doivent aussi contribuer. Rien
ne sert de maquiller nos silences : nous sommes conscients qu’il y a des divisions à surmonter.
En matière d’action syndicale, ce 1er mai n’est pas une réponse suffisante pour amplifier le mouvement social. Comment gagner sur des revendications sans établir un rapport de forces adapté ? L’arc unitaire national doit être préservé. Il ne doit en aucune manière entraîner un infléchissement et un affaiblissement des mobilisations. Sociologiquement, les jeunes, les lycéens, les étudiants ont des capacités de mobilisation différentes de celles des masses salariales plus lentes et aux rythmes plus espacés. Mais le syndicalisme est la quille du navire social. Tout le monde politique le sait bien. Alors soyons à la hauteur de l’enjeu.
L’intérêt des jeunes, des salariés, des privés d’emploi et retraités passe par une montée en puissance d’un mouvement social où les rganisations syndicales doivent pouvoir donner le signal de prolongements par la grève interprofessionnelle dès le mois de mai, mettant y compris en perspective sa reconduction et sa possible généralisation pour dire non à la « profitation ».
Nantes, le 1er mai 2009.
Didier HUDE