Le gouvernement, en faisant passer en force sa loi libérale sur les retraites, n’a pas su gagner la bataille de l’opinion. Il a pour lui le vernis législatif d’une majorité parlementaire mais la brutalité dont il est coutumier le fragilise dans une large partie de sa propre mouvance idéologique. Pour autant, peut-on affirmer que le bloc syndical a « gagné » le combat d’idées, même s’il a perdu la bataille sociale en ne sachant aller au-delà d’appels à manifestations réussies mais insuffisantes pour créer un rapport de forces ? Communiquer n’est pas débattre. Prétendre que le syndicalisme sort renforcé d’une défaite législative est une posture de communicant qui se focalise sur la « cote d’amour » de l’instant. C’est important, car le signal de confiance est fort. Mais c’est insuffisant car le socle revendicatif n’est pas nourri par des revendications et des aspirations partagées.
C’est peu dire que la CFDT et FO n’ont pas les mêmes mandats, les mêmes lectures. Mais il en va de même avec la CGT. Cette réforme est injuste certes. Mais si elle avait fait porter l’effort du financement sur les entreprises (rêvons un peu) serait-elle devenue moins injuste, plus acceptable, alors que la volonté du patronat et du gouvernement, et au-delà de toute la classe politique sociale libérale, veut en fait moderniser et réformer pour en finir avec un modèle solidaire issu du conseil national de la résistance depuis plus de 60 ans ?
Le débat sur les retraites ne peut et ne doit se limiter aux questions de la durée de cotisation, des bornes d’âge pour l’ouverture des droits. Il ne doit pas non plus se satisfaire d’approches crédules considérant la répartition comme a priori solidaire alors qu’elle s’avère aussi possible dans une approche capitaliste et spéculative. Le débat sur l’essentiel n’a pas eu lieu : veut-on préserver et conforter un système de « sécurité sociale » ne dissociant pas les salaires des pensions, interrogeant ce qu’est le travail par rapport à l’emploi.
Cet indispensable débat populaire est resté confidentiel. Les syndicats ne s’en sont pas saisis assez, même les plus « à gauche ». Pourtant nous savons tous que le fond de la question est là. En prévoyant dans la loi le rendez-vous systémique de 2013, en évoquant dès à présent un nouveau palier de réforme en 2018, les « réformateurs » ne s’y trompent pas. Au nom d’une approche financiarisée c’est le substrat même de l’ancien modèle social français qu’il convient d’abattre. La logique est la même pour la sécurité sociale, la fonction publique et les services publics, les grandes fonctions collectives.
La FSU de Loire-Atlantique estime que dès à présent il faut préparer le rendez-vous de 2013 sur les retraites sans s’illusionner sur une alternance de 2012 qui doit elle aussi être nourrie par le débat public sur le fond. Nous devons être en capacité de débattre d’alternatives – syndicats, associations, partis politiques – pour construire une dynamique comparable à celle portée lors du traité constitutionnel européen. Soyons exigeants avec nous-mêmes, interrogeons les véritables enjeux pour en déduire les stratégies d’action à adopter. Cela va bien au-delà de satisfactions d’audimat qui, en tant que telles, ne sont que mousses médiatiques et évanescentes alors que les vrais décideurs jouent dans la durée, et à plusieurs coups d’avance.
En 2011 faut pas qu’on pionce. Bonnes fêtes en attendant.
Didier Hude
Pour 44 n° 71
Décembre 2010
Le journal de décembre 2010 : Pour 44 n° 71