En 2012, nous étions nombreux à dire que si ce gouvernement échouait dans sa politique de rupture avec la dictature financière libérale, il ouvrirait la porte au populisme d’extrême droite. Ce n’était pas une formule ronflante pour se faire peur. C’était le constat de syndicalistes qui vérifient au quotidien l’enfoncement des petites gens sous le seuil de pauvreté : déjà 10% de la population française aujourd’hui, en 2014. Alors que l’énarque ministériel Sapin se félicite des purges budgétaires destinées à sauver l’économie – lire financer les cadeaux aux entreprises – nous savons désormais que ce quinquennat a programmé l’austérité jusqu’en 2017. Jusqu’au terme de ce qui sera, au-delà de l’hallali politique des partis de gouvernement, celui de notre pacte social républicain.
Le budget 2015 se traduit par 21 milliards « d’économies », pour parvenir en 2017 à 50 milliards de coupes pour financer le pacte de responsabilité et le crédit impôt compétitivité emploi (CICE) dévolus au patronat, au MEDEF en particulier. L’Etat devra dégager 19 milliards, les collectivités 11 milliards et la sécu 20 milliards. Déjà, dès 2015, des départements annoncent qu’ils sont au bord de la banqueroute (le Maine-et-Loire par exemple), nombre de municipalités modestes hurlent à l’impasse. Les régions signalent partout la baisse des dotations de l’Etat avec des répercussions immédiates sur l’emploi (filière ouvrière des lycées) et les politiques publiques d’investissement. Ce budget 2015, par ce qu’il induit à tous les niveaux, prépare de nouvelles pauvretés, de nouveaux licenciements, un nouveau dumping social, une nouvelle atteinte des services publics de proximité. Il obéit aux mêmes logiciels que ceux de la droite parlementaire. Il prépare les nouvelles dégradations qui préfigurent les variantes encore plus libérales de la droite classique revenante (fin du statut des fonctionnaires, retraite à 65 ans, allongement du temps de travail, privatisations accrues des services publics et vente des participations de l’Etat dans les entreprises publiques, baisse des indemnités chômage, remise en cause du SMIC et plus globalement du Code du Travail…). Ce gouvernement va très loin dans la logique économiste libérale. Les régimes d’alternance – à venir désormais – ne feront qu’aggraver les choix opérés au nom d’un dogmatisme qui permet aux actionnaires de tous poils de se goinfrer sans vergogne. On peut faire confiance aux ministres Sapin/Mandon pour servir l’idéologie de marchés.
Le budget 2015 « préserve » l’Education nationale, la justice et la police. Mais les 9 561 postes programmés pour l’Ecole ne couvriront même pas les besoins démographiques. L’enseignement supérieur, voué à la privatisation, stagne dangereusement. L’enseignement public agricole perd des moyens, l’écologie, et l’emploi se disputent la place des plus grosses coupes budgétaires. En 2015 ce sont 11 879 suppressions d’emplois qui sont programmées. Des ministères sont ainsi voués à la disparition de leurs missions : culture, jeunesse et sports… L’Etat se replie sur le régalien. La réforme de l’Etat, via la « revue des missions », et les privatisations feront le reste.
En sacrifiant au dogme de l’austérité budgétaire, le régime en place sacrifie toute perspective de relance par l’investissement public. Mais, surtout, il recherche délibérément d’autres ressources qui font peser sur les ménages les ponctions destinées aux cadeaux patronaux. Il développe l’impôt le plus injuste (la TVA et autres taxes) et pire encore il sacrifie dans la couverture sociale et la santé ouvrant encore plus la porte à la précarité des plus démunis.
Cet édito est un réquisitoire ? Non. Un constat glacial d’une faillite inéluctable. Dans ce qui est devenu un marasme, le monde syndical a sa part de responsabilité. Trop divisé il est incapable de construire des initiatives destinées à peser sur les choix gouvernementaux. L’axe du syndicalisme d’accompagnement est dans sa logique d’adaptation au libéralisme et ne nourrit nullement un dessein d’opposition. Mais le syndicalisme défenseur des intérêts des salariés, de l’héritage des grandes conquêtes sociales, est lui aussi en proie aux affres des divisions. Les périodes électorales dans la fonction publique n’aident pas vraiment les mobilisations unitaires. Pourtant, sans nier les enjeux de ces élections, essentiels pour l’existence de la FSU, ce n’est que de l’unité syndicale interprofessionnelle qu’un sursaut peut venir à court terme. Car l’action syndicale peut être un point d’appui pour la construction d’alternatives politiques indispensables pour enrayer le sacrifice des droits sociaux en cours.
En se créant, il y a plus de 20 ans, la FSU avait de l’ambition. Dont celle de contribuer à la reconstruction syndicale. Ce chantier est toujours ouvert et les évènements en cours devraient le rendre d’autant plus pertinent qu’à ne pas pouvoir influer sur l’histoire, on se condamne à l’inertie et on s’expose à l’anémie. Souvenons-nous que nous n’avons pas créé la FSU pour ça. Un autre programme nous attend qui passe par un vote le 4 décembre prochain non pas pour se limiter à l’urne, mais pour construire des prolongements pour éviter d’autres dépouillements.
Didier Hude