Le président Macron avait fait du besoin supposé des Français d’un « renouveau démocratique » l’assise de sa victoire. C’est ce même argument qui a été affiché pour justifier le choix d’un gouvernement dit sans couleurs, avec une rhétorique du changement qui, non qualifié, est la permission à toutes les reculades. Au lendemain des élections législatives, les résultats, s’ils débouchent sur un présidentialisme absolu, disent aussi par le record de l’abstention (58 %) la panne démocratique et l’infondé de l’argument du renouveau.
La République en marche, avec ses candidats disparates, prend 350 sièges et obtient ainsi une majorité absolue. Si le résultat est moindre que ce qui était annoncé, il faut y ajouter les 131 voix de l’UDI et des Républicains qui sauront s’y retrouver dans des propositions de loi bien ancrées dans un programme libéral assumé. Et celles aussi des 29 socialistes réchappés, dont aucun n’était frondeurs, qui se sont présentés sous l’en-tête « majorité présidentielle », affichant ainsi leur alliance au programme macronien. Fort de ces soutiens, Emmanuel Macron va pouvoir parachever ce qu’il a contribué à lancer dans l’ombre, à l’Élysée d’abord, comme ministre de l’Économie ensuite. Et pour y répondre et construire une opposition qui fasse échos aux revendications de progrès et de transformation sociale, il ne reste au sein de l’hémicycle qu’une gauche dépeuplée, même si le PCF et FI résistent avec l’élection de 27 députés.
Ne pas s’endormir devant le vide
Difficile cependant pour le moment de détecter la stratégie de Macron, qui joue la politique du furtif et avance masqué, sans se donner à voir ni à entendre. Les conséquences de cette figure du vide, qu’il tend en particulier aux organisations syndicales dans le cadre des négociations sur la loi travail, peuvent être du côté de l’inertie ou de l’attentisme. Le « dialogue social » affiché ne se traduit que par de fumeuses rencontres de com’, sans travail sur le fond, et dans une stratégie de flous sur les contenus qui tente d’endormir le rapport de force. Or, dans le contexte, il y a des intentions connues qui ne souffrent pas d’ambiguïtés de vigilance : une loi travail endurcie qui va donner tout pouvoir à des négociations par entreprises, faisant croire que patrons et salariés peuvent dialoguer sur un pied d’égalité en dehors de toutes luttes de place et de classes ; une privatisation et une mise en concurrence de secteurs publics ; le remplacement de la notion de cotisation par celui de contribution solidaire ; la fragilisation des retraités, des chômeurs et des fonctionnaires – des non-rentables…
La parole construite comme contre-pouvoir
Dans cette perspective la France des inégalités, de la dérèglementation, a de beaux jours devant elle, et il est nécessaire de construire les luttes à venir dans l’ « autre » société civile, celle qui ne siège pas à l’assemblée. Les « dossiers » sont donc ouverts, et il faut les analyser et les comprendre pour bâtir un contre-pouvoir qui doit s’appuyer d’abord sur l’ouverture d’espaces de débats auprès des salariés, afin de donner des clés de lecture de ce qui les attend. Si actions de rue il doit y avoir, elles doivent être un contrepoint de cette démarche critique et mobilisatrice, pour que les salariés, jeunes, chômeurs, retraités, ne se retrouvent pas en marche forcée vers un avenir qui continue de les ignorer, et de les exclure.
L’assemblée générale qui nous réunira le 3 juillet prochain propose de débattre de ces éléments de contexte afin de construire une analyse fédérale et ainsi imaginer des modalités d’action localement sur ce qui va se jouer dans des champs bien précis : le travail, les retraites qui vont avec, les services publics…
Catherine TUCHAIS