Après le 10 octobre 2017, le 22 mars 2018, les fonctionnaires étaient dans la rue. Les cheminots avaient décidé de se joindre à cette mobilisation, pour débuter leur bras de fer avec le gouvernement. Ils ont permis d’élargir un horizon qui commençait à se rétrécir sur le déjà vu des journées de grèves sans lendemain. Grâce aux cheminots, aux étudiants, aux retraités, aux salariés des EHPAD et des hôpitaux, nous pouvons poser la question plus large du service public et de son financement. Cette lutte est nécessaire pour alimenter une alternative crédible aux dérèglements d’une mondialisation spéculative au service de la Finance dans laquelle Macron et son gouvernement s’inscrivent avec entrain.
Les revendications sectorielles, si elles sont utiles pour contrer de façon argumentée et précise les projets de réformes, ne doivent pas devenir des enfermements. Car il y a du commun qui se joue là, celui de dire haut et fort le refus d’un projet et d’une méthode présidentiels qui visent à détruire de façon autoritaire et arrogante un modèle social de redistribution des richesses et d’égalité d’accès aux droits d’apprendre, de se loger, de se former, d’être soigné, de travailler, d’être protégé et reconnu dans son travail. C’est pour cela que nous serons dans la rue le 19 avril prochain pour la mobilisation interprofessionnelle. Et que nous espérons vivement que la mobilisation annoncée pour mi-mai par l’intersyndicale fonction publique saura s’ouvrir aux autres secteurs en lutte. C’est en tout cas ce que nous défendrons en Loire-Atlantique comme nous l’avons fait pour le 22 mars. 50 ans après mai 68, les forces de la régression – qui se disent modernes pour mieux tromper leur monde – ne font toujours pas dans la philanthropie. Son Commandeur jupitérien enrobe de sa philosophie bon marché une ode à l’austérité au service des profits. Répétant inlassablement ses références constantes à la réalité réelle, à cet ordre de la nécessité indiscutable, il cherche à imposer la « nécessité- des-réformes » comme un néologisme qui s’auto-justifie et suffirait à prouver l’absence d’alternative.
C’est sur cela que doit se construire le rapport de force : les différentes mobilisations à l’œuvre peuvent se réunir pour montrer qu’il y a une alternative à ces politiques qui transforment les pays en vaste marché. Et elle est entre nos mains, celle des services publics, celle de la sécurité sociale, celle des solidarités au lieu des mises en compétition. Un monde sans libéralisme économique est possible. Le gouvernement français le sait, l’Europe de l’argent le sait, le FMI le sait, lui. C’est pour cela que la sarabande de la Finance et ses serviteurs gouvernementaux agissent méthodiquement, dans un calendrier serré, pour en finir avec tous les germes qui peuvent donner à voir qu’il y a une alternative.
Si les mobilisations sont là, il n’en demeure pas moins qu’elles restent fragiles. Il faut garder cette lucidité là. Cela le gouvernement le sait aussi, et il continue à avancer, avec son silence et son mépris habituels et insupportables. Mais rien n’est irréversible. Les conquêtes sociales ne sont jamais tombées du ciel. Il faut une construction patiente et déterminée, interprofessionnelle, construire l’unité. Il reste du travail à faire pour mobiliser et expliquer les enjeux dans nos secteurs et auprès de nos concitoyen-nes, et donner de l’espoir sur cette alternative possible contre le risque d’une résignation sur laquelle compte le gouvernement. Cela donne aussi des responsabilités aux militants syndicaux. Il leur appartient de ne pas se laisser enfermer dans des revendications sectorielles, catégorielles ou boutiquières. Notre lutte, pour se mener, se passe de certitude de victoire, d’accommodements de circonstances, de visions catégorielles. Cela aurait des effets délétères sur la nécessaire jonction, celle qui permettra de fabriquer du sens, et donc d’ agir contre ce projet de société qui ne va qu’augmenter les pauvretés, les précarités, les divisions.
Catherine TUCHAIS