Impossible de ne pas dénoncer d’abord, en démarrage de cette manifestation intersyndicale et interprofessionnelle, les attaques inacceptables de Valérie Opelt, Christelle Morançais et Gérald Darmanin contre la liberté d’expression et de manifestation dans notre département. La procédure de dissolution que le ministre veut lancer contre Nantes Révoltée relève du délit d’opinion et d’une atteinte à l’État de droit qui devrait avant tout garantir nos libertés publiques et l’exercice de celles-ci. Ce nouveau signe de la dérive autoritaire de l’État vient également directement viser nos organisations syndicales, et la manière dont nous conduisons nos manifestations, héritée d’une histoire syndicale dramatique. La FSU n’acceptera pas, comme cela est le cas depuis de trop nombreuses années, l’amalgame qui est fait entre l’ensemble de nos syndicats et d’autres organisateurs qui ont leurs propres modalités d’actions. Encore une fois, cela sert de prétexte à la préfecture et aujourd’hui au gouvernement, pour nous faire porter la responsabilité de toutes dérives, et ainsi nous contraindre à la déclaration de nos manifestations, que nous annonçons toujours par voie de presse. Nous ne céderons pas à cette pression et à ce chantage qui viennent entacher notre démocratie et notre liberté de fonctionnement syndical.
Ce qui nous réunit aujourd’hui nous dit combien l’Etat de droit a aussi été bafoué au nom des intérêts des quelques-uns les plus nantis, et combien les citoyens et citoyennes n’acceptent plus que leurs droits à vivre correctement soient toujours plus amputés. Nous alertons depuis de nombreux mois sur la nécessité de mettre les enjeux sociaux au centre du débat politique. Aujourd’hui les sondages eux-mêmes le disent: la question du pouvoir d’achat est la préoccupation première des actif.ves, des étudiant.es, des chômeur·euses, des retraité.es, contre toutes les tentatives de détournement du débat public sur les sujets nauséabonds et haineux.
Aujourd’hui le temps n’est plus à demander « où est l’argent? » mais à réclamer qu’il nous soit rendu. Car nous savons tous où il a été placé, distribué avec largesse et sans contre-partie. La légende du ruissellement que l’arrogant président a voulu répandre s’est bien avérée être que ce qu’elle n’est: un mensonge, une hérésie économique et sociale. L’argent ne s’est pas infiltré là où il y en a le plus besoin. Il a coulé directement des caisses de l’État dans les citernes de ceux qui en possèdent déjà le plus, fabriquant ainsi des usufruitiers permanents de l’argent public. Ceux là mêmes, actionnaires, grandes entreprises du CAC 40, qui ont continué de s’enrichir pendant les heures a priori les plus éteintes de la pandémie.
Cette politique sciemment orchestrée pour servir l’idéologie libérale n’a fait que creuser le fossé entre pauvres et riches et les années de crise sanitaire se traduisent par une explosion des inégalités. Car non, la cupidité des un.es ne fait effectivement pas le bonheur de toutes et tous… mais qui aurait pu croire en un tel mantra! Ruissellement, premiers de cordée… L’imagerie infantilisante des historiettes présidentielles n’est une nourriture ni spirituelle ni terrestre. Elle est à peine un masque de la vérité des intentions: l’obéissance de principe aux lois du marché et son corollaire, la justification de la baisse des impôts et des moyens de l’État. Pas d’effet splash mais une sale éclaboussure sur celles et ceux qui osent encore à peine croire en un avenir meilleur.
Au constat de ces arrangements non dissimulés, à l’explosion des travailleurs pauvres, des temps partiels imposés en particulier aux femmes, de l’intérim subi, de l’auto-entreprenariat imposé, de l’externalisation… s’ajoutent aujourd’hui les hausses cumulées de l’énergie, des carburants, du logement, de la santé, de l’alimentaire… Tout cela forme un cocktail explosif. Tout cela est ce qui nous conduit aujourd’hui dans la rue.
Depuis plusieurs mois, dans nombre de secteurs, les salarié.es ne veulent plus s’en laisser conter et réclament leur dû, une reconnaissance du travail fourni par des salaires revalorisés. Dans les services publics où longtemps la question des rémunérations ne mobilisait que peu par une sorte de gêne à en faire un sujet de revendication, les dizaines d’années de gel du point d’indice et la perte de 22 % du pouvoir d’achat ne passe plus du tout. Devant l’obstination aveugle du gouvernement, et alors que le robinet est ouvert pour d’autres, les organisations syndicales ont décidé de quitter la mascarade des négociations sur les salaires dans la fonction publique.
Les luttes sectorielles dans les entreprises ont vu des victoires. Cela nous donne du courage, ce sont des leviers et des points d’appui essentiels pour montrer que l’exigence de meilleurs salaires est de fond et la nécessité de regarder cette question de façon systémique absolue. Les mobilisations à l’éducation nationale, dans le champ du travail social, nous disent que la question de la rémunération est un des marqueurs de la reconnaissance du travail fourni, de la valeur produite, au même titre que le respect des conditions de travail qui passe par une politique de création d’emplois et d’augmentation des effectifs dans le secteur public.
Aujourd’hui les dirigeant.es sont sommé.es de corriger ce qui résulte des choix politiques qu’ils ont depuis longtemps opérés. Ils ont pour obligation, qui est le pendant du droit, de rétablir la donne pour toutes et tous, par l’augmentation du SMIC, par la hausse généralisée des salaires dans le public et le privé, des pensions et des minimas sociaux, et par une politique de l’emploi qui protège les travailleurs et travailleuses avant d’en faire des variables d’ajustement. Nous ne nous contenterons pas des aumônes indemnitaires qui nous divisent et nous paupérisent à termes, car la réparation des déséquilibres qu’ils ont perpétrés les oblige aujourd’hui à se taire et nous servir. Cette journée de grève et de manifestations en appelle d’autres et la FSU travaillera dans l’unité la plus large à poursuivre les mobilisations.
Catherine TUCHAIS