Le peuple français a largement choisi d’en finir avec un régime politique brutal, autant que suffisant. Rejetée dans l’opposition, la droitisation de la droite classique, révélée ces dernières semaines, n’en finit pas de se vérifier. Cette dérive droitière, conjuguée à un fort taux d’abstention pour les législatives, doit requérir toute notre attention. En Loire-Atlantique, la vague d’élus de la nouvelle majorité présidentielle est historique. Que le vignoble, et même les Mauges, en viennent à se détourner de leurs caciques élus est un désaveu sans appel de la politique antérieure et de ses méthodes. Pour autant c’est loin d’être un blanc-seing à un nouveau pouvoir qui, s’il ne fait pas réponse aux attentes, risque fort d’alimenter le corps de pensée de l’extrême droite. Le parti socialiste se voit confier une énorme responsabilité. Souhaitons-nous qu’il sache éviter des travers hégémoniques, des entourages technocratiques, des nominations politiques inquiétantes… Telle celle du Préfet de Région en exercice ces dernière années, thuriféraire de la RGPP, appelé au cabinet du ministre de l’Intérieur ! Pour aller vers de nouveaux progrès sociaux et économiques, les codicilles technocratiques à une politique composant avec les marchés ne suffiront pas. Les « pères la rigueur » de gauche non plus.

En ne faisant que s’abstenir sur le vote du Mécanisme Européen de Stabilité (MES) les tenants de l’actuel gouvernement ont donné le cap de leur attitude : demander l’ajout d’un pacte de croissance en acceptant l’austérité budgétaire. Ce n’est pas rompre avec la logique libérale européenne, c’est conjuguer une forme d’austérité doctrinaire (la chasse aux dépenses publiques) avec des mécanismes de relance économique qui évitent la question d’une autre répartition des richesses produites. Pour la FSU, l’augmentation du « pouvoir d’achat », de nouveaux rapports salariaux, et le développement des services publics sont des leviers essentiels pour dégager un nouvel espace politique, et pas seulement en France.

Certes, le gouvernement a pris un lot de décisions qui va dans le bon sens : nouveau projet de loi contre le harcèlement sexuel, premières mesures pour donner droit à la retraite à 60 ans, suppression du tribunal correctionnel pour mineurs, encadrement du prix des loyers, abrogation de circulaire Guéant contre les étudiants étrangers … Des annonces sont aussi faites pour la création de 1 000 postes dans l’éducation nationale dès la rentrée prochaine, le débat sur les rythmes scolaires est lui plus problématique, un chantier de refonte de la loi « LRU » à l’université s’envisage, la remise en cause des processus pervers dits d’excellence est aussi à l’étude. Bref, des lignes bougent mais d’autres demeurent et semblent établies.

La révision générale des politiques publiques est loin d’être remise en cause et certains syndicats la défendent même sur le fond mais pas dans la forme. La CFDT et la CGC le disent clairement dans plusieurs ministères. L’UNSA joue une partition en demi-teinte approuvant partiellement le principe mais pas l’essentiel de la déclinaison. Dans ces dissonances syndicales des affirmations sont déjà tombées. La ministre de la santé estime que les Agences Régionales de Santé ont du bon. Le détricotage des directions départementales interministérielles est loin d’être acquis. Les ministres s’appuient sur des inspections générales inspirées par la réforme de l’Etat pour « arbitrer ». Enfin, sous la pression de lobbies divers, le grand chantier de la décentralisation se profile. Il sera ouvert dès l’automne et appliqué en 2013.

Trop de zones d’ombre ou de refus de changements demeurent pour inspirer confiance : le délai de carence persiste, le bac pro 3 ans n’est pas remis en cause (dans ce contexte les propos sur l’apprentissage sont cohérents et servent les lobbies des conseils régionaux), la question salariale reste entière dans la fonction publique, l’évaluation managériale des personnels héritée du modèle de l’entreprise est défendue par des conseillers ministériels. L’entourage des ministres n’a pas connu d’évolution politique et sociologique bien radicale, on pouvait s’en douter.

Début Juillet, le gouvernement tiendra avec tous les syndicats – dont la FSU – une conférence sociale destinée Suite de l’édito dégager de grandes pistes de travail sur l’emploi, la protection sociale, les salaires… Cet été on devrait avoir l’ouverture du chantier pour refonder l’Ecole. Dans tous nos secteurs de responsabilité, les syndicats de la FSU vont pouvoir vérifier des changements possibles et les continuités voulues. La plus coupable faillite serait d’attendre que le gouvernement décide pour réagir ensuite. La FSU et ses syndicats ont à afficher leur plus complète indépendance en portant dès à présent les revendications qui sont les nôtres. Avec les syndicats qui partagent nos approches il nous appartient de construire un arc de forces unitaire. Si les confédérations refusent aujourd’hui toute démarche concertée avant la conférence sociale, il est cependant impératif de s’unir au plus vite car l’indépendance syndicale n’a pas de prix.

La FSU ne fera pas la politique du pire. Elle ne versera pas dans une surenchère qui serait même médiatiquement contre-productive. Mais elle appellera à l’action chaque fois qu’il le faudra. Elle analysera et énoncera publiquement les choix politiques faisant obstacle aux revendications des salariés, privés d’emploi et retraités. Le syndicalisme, dans ses exigences comme dans ses capitulations, a une part de responsabilité dans le devenir commun. Pensons déjà à 2017 ! Nous avons un espace de cinq années à travailler. En attendant, ressourçons-nous pour la rentrée.

Didier Hude