Ce que le gouvernement en place et son prédécesseur viennent d’adopter (en dépit d’un cosmétique volet social non contraignant en annexe) avec le traité budgétaire européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), c’est tout bonnement de passer des menottes aux dépenses publiques, mais surtout aux investissements publics. En 2011, les administrations publiques ont réalisé plus de 60 mil- liards d’euros d’investissements, soit 15% du volume national. Ce ne sera plus possible. Les 17 articles du traité sont sans équivoque sur la convergence et le renforcement de la compétitivité, sur le pacte « euro plus » qui commande la surveillance du coût du travail et la promotion de la « flexicurité ». Notre modèle social apparaît condamné et avec lui notre civilisation (le mot est choisi à dessein) basée sur une dépense publique en faveur du développement des servi- ces publics.
La règle d’or préempte tout. Elle fixe un cap intenable pour la France, comme pour les autres pays européens. Il est irréaliste. Mais la volonté dominante des gouvernants, en bons relais des marchés qui dirigent notre monde, c’est de faire évoluer tous les modèles sociaux pour qu’ils soient adaptés à la compétition mondiale. La disparition de l’investissement public ouvrira la voie à une nouvelle économie, ultra libéra- le.
Les réformes à venir, y compris la refondation de l’École, seront soumises « au plein respect et à la stricte observance » des règles communes de déficit. On comprend parfaitement pourquoi on ne reviendra pas sur la contre-réforme des retraites, sur la RGPP, sur nombre d’aspects néfastes de la LRU pour l’Université, y compris sur des volontés d’alignement du public sur le privé qui font bouger les lignes du code du travail (journées de carences…).
Savoir lire cela n’est pas faire de la politique politicienne : c’est être lucide sur le fait qu’un syndicalisme d’accompagnement ne peut être que de capitulation sur les acquis sociaux de ces dernières décennies. Le changement, pour qu’il advienne, suppose une réorientation profonde. Or les logiciels du libéralisme, dans une version un peu plus sociale, sont toujours aux manettes.
Didier Hude