Après la sucette à l’ANI, un certain syndicalisme d’accompagnement du libéralisme en tous genres vient de gagner une nouvelle praline patronale : le pacte d’irresponsabilité. En finir avec les acquis du Conseil National de la Résistance, en finir avec le modèle social français imposé par les syndicats et les partis ouvriers, tel est le programme des droites politiques, syndicales et patronales. Il y a désormais un cap partagé par le gouvernement et le syndicalisme de capitulation devant la pensée dominante. Le pacte d’irresponsabilité qui vient d’être signé entérine une politique constante depuis vingt années : celle de la baisse des cotisations sociales des employeurs. Au nom de la compétitivité, des dumpings de tous ordres sur lesquels fleurissent les bénéfices de l’actionnariat, le gouvernement choisit une fois de plus de sacrifier la solidarité sociale. Baisser le coût du travail est un diktat européen. Il s’impose de lui-même en logique de profits, puisque la zone euro interdit toute relance par la dévaluation monétaire.

Ce pacte d’irresponsabilité c’est du perdant-perdant pour le plus grand nombre. Il repose sur la disparition, sans contrepartie garantie, des cotisations de la branche famille. Il s’agit d’un véritable choix idéologique voulu par le gouvernement et les doctrinaires ultra libéraux. Le tour de passe-passe est grossier : au lieu de considérer la politique familiale comme une part de salaire socialisé, on la fait relever des taxes et de l’impôt payés par toutes et tous. Cette vision comptable portée par le gouvernement, minimise les conséquences en termes de redistribution auprès des ménages. L’impôt de la CSG, de la TVA, et autres taxes ne garantit en rien l’affectation des ressources, comme c’est le cas dans un régime autonome aujourd’hui. La branche famille est une cible toute trouvée pour de nouvelles mesures d’austérité. L’exemple allemand, y incite. L’Allemagne n’a pas de cotisations sociales employeurs pour la famille. Mais sa politique familiale est insuffisante. Elle explique pour une part le faible taux de fécondité allemand.

Le refrain sur le coût du travail fait penser à la démonstration socratique du syllogisme. Socrate est mortel, un chat est mortel, donc Socrate est un chat ! Les cotisations sociales sont mortelles pour le coût du travail, le coût du travail est mortel pour l’entreprise, donc il faut tuer les cotisations pour sauver l’entreprise et l’emploi ! Ce syllogisme n’est qu’une grosse Berta capitaliste qui ne résiste pas aux analyses sérieuses. Ce que veulent le grand patronat et les actionnaires, ce sont des politiques salariales qui tassent les salaires vers le SMIC pour les rendre éligibles aux exonérations. Tout le monde le sait. Les chiffres sont là depuis vingt ans ! Et aujourd’hui Hollande et Ayrault ne font rien d’autre que continuer à ouvrir, via une politique salariale désastreuse, la trappe aux bas salaires.

Où est la responsabilité dans ce pacte ? Les entreprises ne vont plus financer la politique familiale. Ils ne prendront pas d’engagements précis sur l’emploi créé ou l’investissement productif. Les patrons pourront toujours dire qu’ils ont utilisé les marges dégagées à baisser leurs prix, au nom de la concurrence, ou à se désendetter, au nom de leurs banques. Ils n’auront pas de comptes à rendre sur leurs dividendes ou sur les salaires des dirigeants. Que pourra bien observer l’Observatoire des contreparties ? La voie sociale-démocrate Hollande/Ayrault c’est du pipeau pour les gogos, du pain béni pour les oui-oui, c’est des gros cadeaux patronaux.

La stratégie européenne est irresponsable. Elle prend les peuples en otage d’une austérité infligée générant pressions sur les salaires, sur les services publics. Avec le Pacte de Responsabilité, la France s’engage à réduire les dépenses publiques d’environ 70 milliards. Cet ajustement portera vraisemblablement en quasi-totalité, sur les dépenses sociales et les dépenses publiques profitant directement aux ménages, comme la santé. Les fonctionnaires, une fois de plus montrés du doigt, payent déjà un lourd tribut. Le cap social démocrate aujourd’hui, rejoint le cap ultra libéral d’hier dans la volonté obsédante de rogner ou faire disparaître les grandes fonctions sociales solidaires qui reproduisent notre société. Ce cap est vraiment celui du chaos à venir, des violences symboliques autant que des violences sociales et politiques, de celles qui renvoient aux guerres économiques comme aux conflits armés.

Didier HUDE