Introduction

Le projet d’I-Site nantais est apparu en 2017. Porté par l’université de Nantes, l’École centrale de Nantes (ECN), le CHU et l’INSERM, ce projet propose de réorganiser en profondeur l’université en quatre pôles, en intégrant l’ECN comme établissement-composante. En échange, le site nantais reçoit une labellisation « I-Site », ce qui permet d’accéder à certains financements sur le projet (PIA 3).

La nouvelle université, baptisée Nantes Université (NU), aura de nouveaux statuts et pourra déroger au code de l’éducation.

Ce premier projet a reçu des avis défavorables des différents comités techniques – de l’université de Nantes et du CNRS notamment – et le conseil d’administration de l’ECN l’a refusé fin 2019, mettant un terme à cette première « saison ».

Ce nouveau projet innove par les partenaires, puisque l’École supérieure des Beaux-Arts de Nantes Métropole, l’École nationale supérieure d’architecture de Nantes et l’Institut de recherche technologique Jules Verne le rejoignent. Il propose également un système de  «  graduate schools », pour les diplômes de niveau master.

Sur la forme

Le calendrier

L’opacité et l’urgence caractérisent ce projet depuis le début : en 2017, le CA de l’ECN vote un texte « confidentiel », distribué peu avant le vote. En 2019, le texte de consortium est voté par le CA de l’ECN sans que les administrateurs aient pu accéder aux 4 annexes du texte. Le CNESER retoque enfin  la convention d’association  puisque le  comité  technique de  l’ECN n’a pas été consulté.

Ce nouveau projet (« NeXT 2 ») est dans la continuité, puisque les directions prévoient une consultation en septembre 2020, en pleine rentrée sous le signe de la Covid19, puis un vote sur le projet le 16 octobre 2020.

Ce calendrier est beaucoup trop court et particulièrement malvenu en cette «  rentrée  sous Covid19 », où tout le monde improvise, en particulier le gouvernement. Ce projet de fond demande une réflexion posée, sereine, concertée avec les personnels et tournée vers le long terme, ce qui ne peut être le cas dans les conditions présentes.

L’intersyndicale demande donc un report de ce projet à une situation plus stabilisée. Nous notons que ce projet date de 2017, l’urgence n’est donc pas du tout justifiée.

La négociation

Ce projet étant sévèrement cadré par le gouvernement, les marges de négociation sont extrêmement faibles. D’ailleurs, aucun cycle de négociation n’a été initié par les directions, les syndicats ont simplement été « consultés ».

L’intersyndicale demande pour ce type de projet un réel calendrier de négociation et de concertation des personnels, et non pas un projet non modifiable, ficelé à l’avance.

La langue

Le projet NeXT regorge d’acronymes en anglais : Graduate School, Integrative Research Cluster, etc. Pire, en 2018, les administrateurs de Centrale Nantes n’ont reçu que la version anglaise du projet !

Nous sommes un service public, et comme le stipule notre constitution : « La langue de la République est le français ».

L’intersyndicale souhaite donc que la langue française demeure la langue de rédaction pour ce genre de document.

Sur le fond

Structure et gouvernance

La NU sera dirigée de fait par un directoire tout puissant, composé des dirigeants des différents établissements. Cette structure opaque sera chargée de la stratégie et de la préparation les décisions du CA de la NU.

L’intersyndicale refuse cette structuration, l’organe légitime, le CA, est réduit à une chambre d’enregistrement.

De même, un CA avec « une majorité d’élu.e.s » ne suffit pas : l’exemple de l’ECN est particulièrement éloquent. L’intersyndicale affirme son attachement à l’article L712-3 du Code  de l’Éducation, qui rappelle notamment la composition actuelle du CA (avec 70% d’élus), ainsi que ses prérogatives, notamment que le CA « détermine la politique de l’établissement ».

L’intersyndicale demande également que la composition du CA de l’ECN soit calquée sur celle de l’université.

Financement

Le principe de NeXt est d’obtenir une labellisation qui permette de candidater à certains appels à projet de l’État. Nous sommes donc à 100% dans une logique de financement sur projet, celle-là même qui appauvrit notoirement les universités, et qui précarise les personnels depuis plusieurs dizaines d’années.

L’intersyndicale affirme son attachement à un financement universitaire par une augmentation de la dotation annuelle, les appels à projet devant  être limités à des situations particulières.

La mise en concurrence des universités entre elles n’a pas de sens dans un cadre de service public : notre vocation est de participer ensemble au bien commun qu’est l’Enseignement Supérieur.

Graduate Schools

Les Graduate Schools, qui sont la grande nouveauté de ce projet, font l’objet d’un projet distinct au PIA, appelé « Triton ».

« TRITON a pour objectif de restructurer l'offre de formation en un modèle d'études supérieures conforme aux standards internationaux ».

Paradoxe de l’intégration de l’ECN

Ce nouveau projet laisse une très grande liberté à l’ECN. Quel est l’intérêt de faire un établissement expérimental, si chacune de ses composantes est totalement libre ?

Ce paradoxe est le résultat de contorsions sans fins de la part des dirigeants : le comité d’évaluation de NeXT veut des établissements très intégrés… mais les établissements  n’en veulent pas ! On se retrouve donc dans une position très bancale, mi-intégré, mi-libre, qui n’est souhaitable pour personne.

L’intersyndicale constate une absence totale de projet d’intégration de l’ECN. Dans ces conditions, quel est l’intérêt pour les deux établissements de se regrouper ?

Nous demandons que l’ECN soit associée à l’université de Nantes comme le sont chacun pour leur part le CHU et l’Inserm.

Conséquences sociales du projet

NeXT2 ne remet aucunement en cause l’orientation néo-libérale du projet initial : augmentation des chaires industrielles, recrutement contractuel privilégié, prime au mérite pour les « hauts potentiels », notamment les enseignants contractuels, etc.

L’intersyndicale affirme son attachement au statut de fonctionnaire, pour tous les personnels.

La rémunération doit être relative à la qualification, selon des grilles bien établies,  y compris pour les « Hauts Potentiels ». Un projet tourné vers le futur viserait une diminution de l’embauche en CDD, eu égard aux conséquences négatives sur les collectifs de travail.

Dirigisme de la recherche

NeXT1 proposait un modèle de recherche extrêmement dirigé, avec des objectifs très précis à 4 ans et 10 ans, avec des résultats attendus. Ceci n’est pas du tout remis en cause dans NeXT2.

La recherche que promet NeXT est une recherche au  service des intérêts privés, avec qui l’université pourra faire des contrats.

L’intersyndicale considère que la recherche scientifique doit être une quête vers la connaissance et le progrès au service de l’Intérêt Général, et non au service de certains intérêts privés.

De même, l’excellence scientifique ne peut s’atteindre qu’en laissant une grande liberté aux chercheurs, dans leur organisation et dans leurs thèmes de recherche.

Conclusion

Pour toutes les raisons citées précédemment, l’intersyndicale est toujours opposée au projet NeXT, trois ans après son apparition.

Ce projet est une destruction méthodique de l’Université telle que nous la connaissons, et nos dirigeants sont bien décidés à profiter du Covid19 pour la mener à terme.

Nous faisons l’amer constat d’une grande énergie déployée. L’argent mis dans ce projet depuis maintenant trois ans aurait été bien plus utile, intégré directement dans les dotations…

5 octobre 2020
CGT FercSup, FSU, SGEN-CFDT, FO, UNSA de Nantes