Avec l’accord de la CGT et de la CFDT, la loi 2008-789 du 20 août 2008 vient profondément bouleverser les règles de représentativité syndicale de droit commun. Dans la fonction publique, même si rien n’a changé, les « accords de Bercy », signés le 8 juin 2008 par 6 syndicats (CFDT, CFTC, CGT, UNSA, Solidaires, FSU), contiennent des dispositions parallèles à celles du droit commun. Le conseil des ministres a validé en avril 2009 un projet de loi depuis mis en sommeil. Un certain lobbying est à la manœuvre qui tente de remettre en cause l’application à la fonction publique de ce qui est appliqué dans le secteur de droit commun.

La fin du « bonus » confédéral

Désormais dans le droit commun, la représentativité n’est plus accordée d’office aux confédérations (CGT, CFTC, CGC, FO, CFDT). Elle l’est en fonction de leur représentativité réelle mesurée par leurs résultats aux élections professionnelles. De même, les conditions sont créées pour aller vers le principe de l’accord majoritaire dans les entreprises et les branches. Cette révolution de la représentativité n’est pas le fruit du hasard. Elle prend largement en considération la répartition des rôles au sein du syndicalisme entre d’une part des organisations qui mènent les mobilisations et les actions, et d’autre part celles qui négocient et signent. La réorientation de la CGT qui, depuis ces dernières années, n’hésite plus à signer des accords, a fait bouger les représentations et a bousculé la fonction de confédérations timides à l’action mais utiles à la négociation. L’articulation entre les capacités à mobiliser, à agir mais aussi à négocier est très clairement posée il n’y a plus de rente de situation possible dès lors qu’il n’y a plus d’accords minoritaires possibles.

La règle qui fait qu’on doit « peser » aux élections professionnelles au moins 10% dans l’entreprise et 8% dans la branche, pose à court terme la question de l’avenir de plusieurs syndicats dans le champ interpro-
fessionnel : CGC, CFTC, UNSA, Solidaires et même FO. À l’évidence, l’incertitude hantée par un déterminisme induit par la loi, explique une part de l’atonie syndicale actuelle.
A priori, seules la CGT et CFDT devraient à terme être en capacité d’élaborer un projet syndical cohérent au niveau interprofessionnel et des branches. Dans la phase transitoire de redistribution et recyclage, il suffit à ces confédérations de laisser leurs fédérations et leurs syndicats effectuer les rapprochements dictés par les nécessités. Des incongruités temporaires seront ici et là observables mais elles font partie des aléas de la centrifugeuse désormais mise en route. Peut-on pour autant considérer qu’une perspective de recomposition générale se dessine ?

Du réformisme au révolutionnaire ?

L’UNSA n’a de cesse de théoriser la conception ayant provoqué la scission de la FEN en proposant le rassemblement d’un pôle réformiste. Cela correspond à une vision idéologique clivée du syndicalisme. D’un côté (CFDT, UNSA et autres composantes ré agrégées) on pourrait ainsi avoir un pôle qui aurait vocation à négocier et signer, et de l’autre un pôle contestataire qui mobiliserait, défilerait et claquerait la porte. Cette vision clivée est très datée car elle ne correspond plus à la réalité. La FSU « contestataire », depuis sa création, n’a jamais opposé mobilisation, action et négociation. La CGT l’a rejoint sur ce point. Dans « Solidaires », les tenants d’un syndicalisme fermé à toute négociation, sont loin d’être en position de force. Les pratiques syndicales témoignent de ce que le « pôle » contestataire, dès lors qu’il pèse dans les rapports de forces, dépasse les clivages commodes entre ceux qui signent et ceux qui luttent. Dans « Solidaires », il est affirmé que la recomposition n’est pas à l’ordre du jour. Ce qui importe c’est de continuer à développer l’union syndicale sur son orientation.
En même temps, il est admis qu’un processus de rapprochement, s’il se mettait en mouvement, ne pourrait pas laisser les « Solidaires » indifférents.

La CGT et son congrès de Nantes

Les discours dominants témoignent de ce que la CGT n’a pas pris la mesure de sa propre responsabilité dans l’hypothèse d’un regroupement syndical. En difficulté avec la disparition progressive du monde ouvrier (fondateur pour elle) la CGT se pose des questions sur les évolutions du monde du travail. Elle se donne comme objectif la syndicalisation des jeunes de tous milieux. Elle métamorphose ses structures internes pour mieux les adapter aux nouveaux enjeux politiques et économiques. Le congrès de Nantes aura d’ailleurs été un congrès sur les structures. La CGT ne donne aucun signe de reconstruction syndicale. Ce n’est pas le moment.

En interne, certains misent sur les nouvelles règles de représentativité pour « faire le vide » autour d’elle. Dans la FERC, mais pas uniquement là, on préfère laisser le temps de la représentativité faire « table rase ». Les ralliements « pieds et poings liés » sont plus faciles à gérer. Ils évitent de discuter du fond, des orientations et des méthodes. Du point de vue de la mise en mouvement de la réunification syndicale, l’embrayage cégétiste n’est toujours pas enclenché.

La FSU et son congrès de Lille

Le congrès fédéral sera sans doute partagé entre les tenants d’un maintien de l’identité « éducation nationale » de la FSU, qui n’a pas vraiment réussi sa transformation en fédération des services publics, ceux de la sauvegarde de l’appareil et donc de l’autonomie, et les partisans d’une dynamique d’unification. Cependant, à partir de l’instant où le SNES n’imposera à personne ses propres mandats d’unification syndicale, et à partir de l’instant où le SNUipp n’est as mûr pour mener ce débat, on voit bien que la FSU en restera là où elle est. Il est prévisible que les syndicats fédéraux périphériques à l’éducation, exposés au big-bang de la RGPP, auront la bride sur le cou pour se livrer à des accords électoraux circonstanciels de gré à gré.

L’attente inscrit l’impuissance

On doit pouvoir espérer de la FSU qu’elle porte une part de responsabilité historique dans l’évolution d’un syndicalisme français qui vit un des tournants les plus importants de son histoire. Nous avons une fenêtre de temps réduite devant nous si nous voulons être acteurs de notre destin.

La FSU doit, en saisissant simultanément la CGT d’une part, l’Union Syndicale Solidaires d’autre part, ouvrir une phase publique de rapprochement pour aller vers une organisation confédérale unifiée. Dans ce processus, d’autres composantes peuvent trouver leur place. L’ensemble du syndicalisme français est en attente d’un signe mobilisateur. L’impuissance de la mobilisation interprofessionnelle à créer le rapport de force pour imposer d’autres choix politiques repose aussi sur l’éclatement des forces syndicales. La réunification syndicale contribuera efficacement à la relance de la syndicalisation. La dynamique de réunification syndicale déplacera autant qu’elle dé-
passera la théorisation des lignes de démarcation des appareils actuels.