L’université de Nantes a décidé d’organiser des élections via un système de vote électronique.

Le vote en bureau de vote sera donc remplacé par un vote par correspondance via internet. Les électeurs ne bénéficieront plus de la protection d’un isoloir et auront désormais la possibilité de dévoiler leur vote suite à des pressions, qu’elle soient hiérarchiques, amicales ou syndicales.

De plus, le vote électronique est, par essence, opaque. Un électeur vote par un clic de souris, ce qui génère une impulsion électrique. Celle-ci est transformée en un codage informatique qui subira ensuite d’autres transformations : réencodage, changements de format, agrégation. Toutes les expressions des électeurs sont donc transformées à plusieurs reprises sans que ces transformations puissent être observées.

Par conséquent, ni les électeurs, ni les organisations syndicales, ni l’université, ni même les organisateurs des élections ne pourront contrôler que les élections se déroulent en respectant les principes d’une élection régulière : anonymat du vote, unicité, sincérité 1. Certains électeurs doutant du respect de l’anonymat et craignant pour leur prochaine prime ou promotion seront tentés de ne pas voter en toute liberté.

Or, les expertises sont limitées. Tout d’abord, il ne peut y avoir aucune observation pendant les opérations électorales pour s’assurer que le système de vote électronique ne change pas les votes des électeurs car une telle observation violerait le secret du vote. Les expertises se déroulent donc avant les élections. Elles sont incomplètes du fait de leur durée et de leur périmètre limités : en effet, elles ne peuvent pas porter sur les dispositifs techniques (ordinateurs ou ordiphones) utilisés par les électeurs pour voter.

Cette décision est en rupture avec l’état de l’art scientifique : il est démontré qu’il est impossible d’apporter la moindre preuve concernant le respect de l’anonymat ou la justesse des résultats énoncés qui pourraient pourtant être affectés par des erreurs d’exécution ou des bugs 2.

L’opacité du vote électronique entraîne des conséquences sur le terrain juridique. Il invisibilise les éventuelles atteintes (même massives) aux principes qui doivent être respectés, en empêche donc les constats, ce qui, mécaniquement, voue à l’échec la plupart des contestations en justice.

Nombre d’étudiants votent pour la première fois lors d’élections universitaires. Beaucoup découvrent et comprennent l’utilité d’un isoloir, de l’émargement, et du caractère public d’une élection. L’université faisait donc œuvre d’éducation à la citoyenneté et à l’utilité de la transparence électorale.

Avec le choix du vote électronique, l’Université de Nantes renonce à cette éducation aux élections et enseigne même qu’il faudrait accorder une confiance aveugle dans des dispositifs opaques.

Les élections seront entièrement confiées à des entreprises privées.

Le CNRS avait organisé des élections par internet en 2009. Le retour d’expérience a permis de constater une chute de participation (de 11 points), un coût « nettement plus élevé » 3. Par conséquent, les élections suivantes ont été organisées par correspondance postale.

Cette décision de l’université de Nantes marque une rupture avec la présidence précédente et les refus unanimes et répétés du comité technique d’établissement qui avait même voté une motion le 25 novembre 2014 :

« le Comité Technique de l’Université de Nantes rappelle que :
– le vote électronique reste un champ de recherche actif, en particulier en ce qui concerne le respect simultané du secret du vote et de la sincérité du vote ;

– il n’existe actuellement aucun outil scientifique qui permette de vérifier, pendant son fonctionnement, qu’un système de vote électronique respecte à la fois le secret du vote et la sincérité des élections.

Aussi, le Comité Technique de l’Université de Nantes déconseille l’usage de systèmes de vote électronique pour les élections et referenda nécessitant un scrutin secret et anonyme. »

Références

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1. La voix d’un électeur va bien au candidat qu’il a choisi.
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2. Il existe des systèmes de vote électronique dits « vérifiables » mais ils sont inopérants au plan juridique
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3. CNRS, « Bilan vote électronique par internet – Élections Conseil d’administration – 2009 », Réunion 25 juin 2012.