Un terrain bien préparé 1
En 2015, le CNESCO a « accusé » le label « éducation prioritaire » d’être stigmatisant et d’être un facteur de réduction de mixité sociale au sein de ses établissements. Se sont ensuite succédés une note de France stratégie en 2017, un rapport de la Cour des comptes en 2018, un rapport du Sénat en 2019 qui convergent pour dire que l’Éducation priori- taire est coûteuse mais qu’elle ne réussit pas à réduire les inégalités. Seule la cour des comptes reconnait que la poli- tique d’éducation prioritaire a permis de contenir les écarts aux vues des difficultés économiques et sociales croissantes.
Ces rapports pointent également l’effet de seuil qui exclut certains établissements et prônent une allocation progressive des moyens pour prendre en compte les besoins des établissements ruraux.
1 « Élèves, professeurs et personnels des collèges publics sont-ils équitablement répartis ? » France stratégie, 29 septembre 2017
« Territoires et réussite », le rapport Azéma-Mathiot
Les préconisations du rapport Azéma-Mathiot ne se limitent pas à la carte de l’Éducation prioritaire, mais concernent l’ensemble du territoire avec notamment la prise en compte du rural. S’y trouvent également des propositions pour le fonctionnement des établissements et les carrières des personnels. Ce rapport s’inscrit dans la prolongation de la loi « Pour une école de la confiance » et de la loi Fonction publique qui vise notamment à atteindre 40% de contractuels.
Rendu public le 5 novembre 2019, ce rapport émet des propositions qui pourraient être retenues en totalité ou en partie par le ministre :
- Sanctuarisation des seules REP+ jusqu’en 2022, année de la révision de la carte des quartiers politique de la ville (QPV). Le périmètre de cette carte pourrait donc se réduire comme en 2014 sous prétexte de concentrer plus de moyens sur des quartiers ciblés.
- Adossement de la troisième tranche de revalorisation de la prime REP+ à « l’investissement et l’engagement des équipes », liée « à l’élaboration d’un projet de formation continue alimenté par une démarche de recherche- action centrée sur la difficulté scolaire et la participation aux modules de formation induits hors temps scolaire », ce qui n’est pas acceptable pour la FSU.
- Disparition du label REP à la rentrée 2021, accompagné d’une allocation progressive de moyens au niveau académique gérée par chaque rectorat selon les spécificités des territoires. Dans le cadre d’un budget contraint, cela induit une concurrence entre l’éducation prioritaire et le rural.
- Utilisation des budgets de la prime REP pour créer des primes d’installation dans des collèges ruraux éloignés dits « non attractifs » sous condition d’y exercer pendant une durée minimale. Beaucoup de collègues y perdraient.
- Étude d’impact sur l’intégration progressive de tous les personnels (AED, AESH…) dans un processus de revalorisation. L’indemnité REP+ pourrait être élargie à tous les personnels de ces réseaux (AED, AESH…), ce que la FSU demande sur l’ensemble des établissements d’éducation prioritaire.
- Extension de la mesure des dédoublements des classes pour l’ensemble des écoles rencontrant des difficultés sociales en Quartiers Politique de la Ville (QPV) et prise en compte des écoles orphelines. Prévoir un dispositif spécifique défini nationale- ment au bénéfice des écoles des petites villes et bourgs en difficulté sociale et scolaire.
- Doter chaque REP+ d’un programme de recherche-action centré sur la lutte contre la difficulté scolaire avec un risque de dérive si les équipes enseignantes se voient imposer des projets sans concertations ni accord en amont, si ces programmes favorisent des officines comme « Agir pour l’école », dont les protocoles sont déjà imposés dans de nombreuses écoles, ou encore si ces programmes sont exclusivement tournés vers les neurosciences, marotte de l’actuel ministre.
- Valorisation et professionnalisation au moyen de nouvelles certifications (Allophone, multi-âges).
- Gestion par les rectorats de tous les types de bonification (mobilité, carrière, offre de logements sociaux aux contractuels, etc…) et développement de la dérégulation pour stabiliser les équipes enseignantes (bivalence, profilage de postes, CDI accordé plus tôt aux contractuels et gel de leur poste au mouvement …) dans les établissements non attractifs ce qui s’inscrit dans la logique de la loi Fonction publique que la FSU conteste.
- Associer l’enseignement privé sous contrat aux politiques de mixité. Pour la FSU, il sera possible d’associer l’enseignement privé dès lors que les contraintes seront identiques à celles du service public d’éducation, pour éviter que le privé ne sélectionne que les meilleurs élèves de milieu défavorisé.
- Possibilité d’expérimenter, au sein de certains collèges ruraux isolés des Maisons France service.
- Développer le taux de recours aux bourses et l’usage des fonds sociaux, pourtant divisés par deux cette année ! Revaloriser les bourses d’internat.
- Au lycée, développer les « cordées de la réussite » qui ne permettent l’accompagnement que des meilleurs élèves tout en ne se préoccupant pas des autres.
- Tirer pleinement parti de l’expérimentation des Cités éducatives, qui peuvent être prétextes à toutes les dérégulations, dont le risque d’échanges de service premier-second degré, ou l’intervention accrue des collectivités dans le fonctionnement des écoles et établissements.
L’avis de la FSU
Ces préconisations montrent une volonté de mettre fin à une éducation prioritaire gérée nationalement, pour la remplacer par une éducation prioritaire à deux vitesses : les REP+ sanctuarisés et les REP qui seraient intégrés à la même enveloppe que le rural, engendrant une mise en concurrence inacceptable et renforçant la territorialisation de l’éducation nationale. En 2021, ce serait deux tiers de l’Éducation prioritaire qui perdrait la labellisation tandis que les établissements des REP+ et les cités éducatives seraient utilisés comme vitrine et support d’outils de communication ministérielle. Ils pourraient devenir le lieu d’expérimentations porteuses de toutes les dérégulations. L’absence de prise en compte des lycées acterait une fois de plus la volonté de réduire la scolarité obligatoire à la fin de la Troisième au lieu des 16 ans inscrits dans la loi.
La FSU ne peut que s’opposer à un tel projet de délabellisation, qui gomme les spécificités de l’éducation prioritaire.