Une opération de soutien a été menée devant la mairie de Nantes.

Une opération de soutien a été menée devant la mairie de Nantes. | OUEST-FRANCE

Ouest-France

Corinne ARGENTINI.

Publié le 01/12/2024 à 18h30

Samedi 30 novembre 2024, à Nantes, jour du Black friday. Dans un centre-ville paré aux couleurs de Noël, le léger crachin ne dissuade pas la foule de courir les magasins. Tout près de cette joyeuse effervescence, une scène inhabituelle retient l’attention devant l’hôtel de Ville, rue de Strasbourg. Un petit groupe de personnes monte deux tentes sur le trottoir et déroule un message de solidarité tendu sur une ficelle : « Un toit c’est un droit ».

Dehors depuis juin

Ces tentes ressemblent à celles qu’utilise Françoise (1), une maman Camerounaise de 35 ans, lorsqu’elle n’a nulle part où dormir avec ses deux enfants. Rejointe il y a un an par son adolescente de 14 ans et son fils de 9 ans, elle est arrivée à Nantes voici huit ans. Hébergés « par des connaissances », elle et ses enfants se sont retrouvés à la rue, en juin, « quand ils ont quitté Nantes ».

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Depuis, elle ne sait plus où passer la nuit. « Parfois c’est à la gare, mais on se fait souvent mettre dehors. À l’aéroport, c’est mieux toléré. On s’est fait héberger quelques jours avec le 115, mais ça ne dure pas. » En journée ? « Les enfants vont à l’école. Je vais souvent à l’Abri des familles. On peut se reposer et cuisiner. »

Françoise a sonné aux portes pour trouver de l’aide. Les services sociaux nantais et l’Accueil migrants sans frontière sont alertés. « Je suis aussi allée dans les églises. » Mais sans que personne ne puisse répondre durablement à l’urgence de sa situation.

Indétectable

« Jamais on ne se serait doutés que cette élève vivait dans une telle précarité », confie une enseignante du collège René-Bernier, où est scolarisée la fille de Françoise, à Saint-Sébastien-sur-Loire. « Elle est vraiment irréprochable. Son travail est toujours fait. »

Alerté, le collège a informé les enseignants qui se sont mobilisés pour venir en aide à la famille en organisant notamment cette action en urgence. « Ce n’est pas possible que dans une ville de gauche comme Nantes, on ne puisse pas mettre cette famille à l’abri », s’indigne Camille, prof d’histoire-géo, qui enseigne leurs droits aux enfants.

Ses collègues ont pris la mesure de « la tension » qui pèse sur les jeunes : « Ils doivent être protégés, sans quoi ils vont s’épuiser. On est vraiment inquiets », confie Camille. Cette famille n’est pas la seule à vivre dehors, selon eux : « C’est récurrent au collège. Nous avons eu un cas similaire l’an dernier. Il y en a d’autres, car les enfants n’en parlent pas. » La solution pour Françoise et ses enfants, est pourtant simple à leurs yeux : « Le logement vacant du collège pourrait très bien être attribué. » Au Département ou à la préfecture d’en décider.

« Indigne », selon un élu

Devant l’hôtel de Ville, la famille a reçu le soutien de représentants de La France insoumise et du syndicat FSU, représenté par Bernard Valin, enseignant au collège. La récurrence, de ces situations, il la connaît. « On a fait une enquête sur le Département, qu’on a remontée à la préfecture et au rectorat. En vingt-quatre heures, on a recensé trente cas d’enfants à la rue, dont vingt-cinq dans la métropole de Nantes ! Le discours est lénifiant de la part de la préfecture, qui justifie cela par l’attractivité de Nantes. À chaque fois, il faut passer par un rapport de force pour obtenir quelque chose. »

L’élu nantais à la lutte contre la grande précarité, Robin Salecroix, s’est montré concerné. « C’est indigne. L’hébergement d’urgence est une compétence de l’État. Nous prenons notre part en finançant déjà 1 600 places sur l’agglomération. Il s’agit d’un devoir d’humanité. Je vais interpeller l’État. Les moyens de Nantes ne sont pas illimités. Je rappelle que l’État réclame 15 millions à Nantes et 30 millions à Nantes métropole pour combler sa dette. »

(1) Prénom d’emprunt.