En juillet 2018, Gildas Loirand et Marie Charvet, enseignants-chercheurs à l’université de Nantes, ont été respectivement sanctionnés par la section disciplinaire de l’établissement de six mois de retard d’avancement et d’un blâme pour des faits intervenus lors du mouvement contre la loi ORE.
Bien qu’ils aient contesté ces faits avec la plus extrême vigueur, témoignages à l’appui, ils ont néanmoins été condamnés pour « s’être associé[s], par [leurs] paroles et par [leur] posture, à la démarche vindicative » d’étudiants qui exigeaient des explications de cadres administratifs à propos du déroulement d’un examen, alors même qu’ils avaient contribué à faire retomber la tension, évitant ainsi une intervention de la police.
Ils ont immédiatement interjeté appel de ces sanctions devant le CNESER disciplinaire et demandé à bénéficier d’un sursis à exécution en attendant l’appel, ce qu’ils ont obtenu une première fois en décembre 2018. La ministre de l’Enseignement supérieur et le président de l’Université de Nantes se sont pourvus en cassation auprès du Conseil d’État contre ce sursis — démarche totalement inédite dans une affaire de ce type. Le Conseil d’État a alors cassé le sursis pour insuffisance de motivation et renvoyé l’affaire devant le CNESER. Le 30 janvier dernier le CNESER a de nouveau accordé à nos collègues un sursis à exécution, au motif, entre autres, que « la décision de première instance n’apparaît pas fondée à partir de faits établis, plusieurs interprétations étant possibles ».
Or la ministre Frédérique Vidal vient à nouveau de se pourvoir en cassation contre cette décision. On peut s’interroger sur ses motivations : dans le cas de sanctions mineures comme un blâme et un retard d’avancement, un tel pourvoi a en effet pour principale et presque unique conséquence de retarder l’examen de l’affaire sur le fond par la juridiction d’appel. Cet acharnement vise-t-il directement des collègues qu’il s’agirait d’empêcher de se défendre devant une juridiction collégiale indépendante ? Ou ces derniers sont-ils simplement des pions dans l’entreprise de mise sous tutelle du CNESER disciplinaire engagée par la ministre ? Les deux hypothèses ne s’excluent pas.
Dernier détail surprenant, le pourvoi en cassation de la ministre date du 21 avril, soit plus de deux mois après la notification de la décision du CNESER : les services du ministère ont ainsi mis à profit la prorogation des délais accordés par l’urgence sanitaire pour engager cette démarche. En cette période de crise, n’ont-ils pas de tâches plus urgentes et plus utiles ?
Nous avions déjà appelé le président de l’Université de Nantes à rechercher l’apaisement. Nous l’interpellons aujourd’hui sur sa position vis-à-vis de la démarche de la ministre et lui demandons solennellement de ne pas s’y associer et à s’abstenir de toute nouvelle procédure de nature à retarder la conclusion de cette affaire, dont les prolongations sont vécues par nos collègues comme une forme d’acharnement.