Intervention dans le cadre de l’Audience intersyndicale avec M. Coleate (cabinet de M. Blanquer), M. Jaunin, (secrétaire général du Rectorat), et M. Orhan (cabinet du recteur) du 15 février 2021
Ce lundi matin, M. Blanquer et Mme El Haïry étaient au lycée de Nort sur Erdre pour faire la promotion du service national universel. Alors que les jeunes vivent des situations de mal être et de profondes incertitudes quant à leur avenir, aggravées par le contexte sanitaire, cette obstination présidentielle à vouloir leur imposer un dispositif qui est d’enfermement plus que d’ouverture au monde est plus qu’inadéquate : déplacée et contre productive.
L’argumentation, d’une légèreté qui cache mal l’intention idéologique, peut être lourde de conséquences, socialement surtout. Car très clairement – et ce voyage de promotion médiatique en est le signe – le « recrutement » des jeunes fonctionne mal dans notre département comme dans les autres et le dispositif ne fait pas recette. Le SNU qui, rappelons le, relève du code du service national et non du code de l’éducation, est destiné à être rendu obligatoire à toute une classe d’âge dans les 3 ans. Or il est loin des aspirations d’un grand nombre de jeunes pour qui l’engagement prend depuis longtemps bien d’autres formes, dans le sport, la culture, la défense de l’environnement, les questions de genre, la lutte contre le racisme,…. dans une vision autrement citoyenne qui dépasse les frontières, qui regarde le monde et les gens qui y vivent dans leur complexité, et non dans cette approche d’uniforme. Il ne fait pas recette non plus auprès d’un grand nombre de famille, et aucune mesure d’objection de conscience n’a été prévue pour qui se trouverait dans un conflit de valeurs. Le SNU, à défaut de la « cohésion » dont il se targue, risque de cristalliser des rejets contre-productifs face à une conception bien étrange de l’engagement volontaire relevant du seul esprit cocardier.
Les jeunes ont été les grands oubliés de cette crise sanitaire. Mais nombre d’entre eux vivent depuis bien avant cela discriminations et exclusion des promesses républicaines d’égalité et de solidarité. Comment peut-on leur demander de saluer ces principes alors même qu’ils ne les éprouvent pas dans leur quotidien, et qu’ils ont vus leur parent en être privés ? L’argumentaire gouvernemental de « mixité sociale » n’est qu’une version fantasmée de feu le service militaire, et l’application du SNU s’illustre par des mises au ban qui viennent contredire le discours. Ainsi pour les jeunes étrangers vivant ici qui sont exclus de ce dispositif qui prétend réunir. Quant à l’invocation de la citoyenneté, elle cantonne celle-ci à une conception univoque, liée aussi à un fantasme, plus inquiétant celui-ci, d’ « idéal national ». Si le président, pour qui le SNU est un défi personnel, reste sourd à tout cela, ce jouet peut devenir un véritable brûlot social et une erreur politique qui coûterait bien cher dans tous les sens du terme (dont entre 1,5 et 2 milliards par an s’il est rendu obligatoire!)
Les conséquences sont également lourdes pour les services en charge de la mise en œuvre du dispositif. Les personnels techniques et pédagogique des services Jeunesse et sports, rattachés depuis le 1er janvier à l’Éducation nationale, sont contraints de mettre en œuvre un dispositif qui ne relève pas de leur mission éducative et voient ainsi leur métier dévoyé. Car d’éducatif il n’en en est pas question dans le SNU qui sert d’abord une pédagogie de l’obéissance là où il faudrait, pour « armer » la jeunesse contre toutes les formes d’embrigadements, une pédagogie de la confrontation des idées et du développement de la pensée critique, associée à la fonction républicaine de l’École.
Une majorité d’agents des services régionaux jeunesse et sports ont été signataires début 2020 d’un Manifeste national contre le mésusage des personnels jeunesse et sports sur le SNU. Professionnels de l’éducation populaire avec le secteur associatif complémentaire à l’école, en charge de missions de service public et d’expertise fondées sur un travail d’analyses et d’actions au plus près du territoire, ils peuvent affirmer que ce qui transpire du SNU n’aide pas à faire à société, bien au contraire. Ils ont fait valoir une clause de conscience pour ne pas se voir imposer une collaboration à ce dispositif.
Pour toutes ces raisons, la FSU de Loire-Atlantique et la section régionale EPA-FSU demandent l’abandon du SNU et affirment la nécessité de réfléchir à une autre approche de la citoyenneté, à l’opposée de la conformation à des valeurs vidées de sens et d’effets. Elles revendiquent une approche intergénérationnelle prenant en compte la diversité sociale, appuyée sur l’obligation scolaire, et qui se construit dans tous les espaces de vie traversés par les jeunes – famille, école, associations… – dans une exigence de continuité éducative. Pour que les engagements républicains soient portés dans l’école et hors l’école, par et avec tous les acteurs de la société civile organisée, et non pas transformées en obligations républicaines chargées sur le dos des jeunesses.