Le gouvernement envisage de mettre en place un système de retraites par points.
Pourquoi les salariés, et pourquoi particulièrement les fonctionnaires, ont-ils beaucoup à y perdre ?
Les cotisations sont transformées en points selon la valeur d’achat du point. La pension est déterminée par la valeur de liquidation (ou valeur de service) du point. Ces deux valeurs varient chaque année.
Il y a plusieurs techniques pour les déterminer : par exemple, la valeur de service peut varier en fonction de l’âge au moment de la liquidation, ou encore le point peut avoir la même valeur quel que soit son âge mais le système peut prévoir des minorations de pensions à partir d’un age pivot, etc.
Dans le nouveau système, la cotisation serait due sur l’ensemble des salaires et traitements (indemnités comprises) dans la limite de 10 000 euros par mois (3 “plafonds de la Sécurité Sociale”).
La notion de nombre de trimestres disparaîtrait, un âge de départ possible serait maintenu, à 62 ans a priori, avec de possibles systèmes de « minorations » des pensions jusqu’à un âge « pivot », bien au-delà de 62 ans.
La réforme se ferait sur la base du slogan de campagne d’Emmanuel Macron « un euro cotisé donne les mêmes droits ».
Ce slogan en apparence simple et de bon sens pose pourtant de nombreuses questions, et en particulier :
- Les mêmes droits, certes, mais QUELS DROITS ?
Aujourd’hui, le système de retraites, même dégradé par les réformes, permet d’acquérir des droits qui s’expriment en pourcentage du meilleur salaire : on sait qu’en partant à tel âge, on aura tel pourcentage du traitement des 6 derniers mois (les 25 meilleures années dans le privé), c’est ce qu’on appelle le taux de remplacement. Avec un nouveau système par points, plus aucun objectif de cet ordre n’existerait : seule compte la valeur du point, qui varie d’une année sur l’autre. Dit autrement, on peut très bien se retrouver avec des pourcentages très faibles de son meilleur salaire dès lors que la valeur du point baisse. - Autre question à poser : que se passe-t-il quand l’euro n’est pas cotisé ? Aujourd’hui, quand on interrompt son activité pour congé maternité, parental, chômage, etc, il existe des systèmes de majorations en termes de nombre de trimestres. Qu’en serait-il dans un nouveau système où l’euro cotisé est la mesure de toute chose ? J-P. Delevoye tente de rassurer en disant que des « points gratuits » seront donnés, mais sur quelle base le seront-ils ? ( par exemple donnerait-on un forfait de points par enfant ou donnerait-on le nombre de points correspondant au meilleur salaire de la collègue ?, etc). Qu’en serait-il des pensions de réversion, c’est à dire les pensions versées au conjoint survivant, aujourd’hui sans plafond de ressources pour les fonctionnaires, ce que le gouvernement voudrait remettre en cause.
Tout euro perçu donnerait lieu à des cotisations et donc à des points, cela a au moins deux conséquences :
- On prendrait désormais en compte la totalité de la carrière alors que dans le système actuel, que ce soit dans le public ou dans le privé, les mauvaises années sont en partie « lissées ». Par exemple, le fait que les salaires de début de carrière sont très bas pour les fonctionnaires (un enseignant débute à 1,3 SMIC !!!) est en partie compensé par le droit à une carrière et donc par le calcul de la pension sur les meilleurs traitements, ceux de la fin de carrière. Avec la réforme Macron, ce ne sont plus les 6 derniers mois qui comptent mais l’ensemble des salaires, y compris les salaires -scandaleusement- faibles du début.
- Cela signifierait pour les fonctionnaires la prise en compte des primes et indemnités. C’est une très mauvaise nouvelle pour toutes les catégories de personnels qui ont très peu de primes (les enseignants mais pas seulement), et c’est une très mauvaise nouvelle pour le service public quand on sait à quel point la politique de développement des primes est un formidable instrument de gestion différenciée des personnels : revaloriser certains seulement pour justifier le gel du salaire de tous les autres serait ainsi encouragé !